L’Encyclopédie/1re édition/RIVAL

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RIVAL, s. m. (Gram.) terme de relation qui s’applique à deux personnes qui ont la même prétention.

Le mot rival se dit proprement d’un compétiteur en amour. Les intrigues des comédies & des romans sont assez souvent fondées sur la jalousie de deux rivaux qui se disputent une maîtresse. On applique aussi ce terme à un antagoniste dans d’autres poursuites.

Les Jurisconsultes font venir ce mot de rivus, ruisseau commun à plusieurs personnes qui viennent y puiser de l’eau, quòd ab eodem rivo aquam hauriant : & Donat prétend que rival a été formé de rivus, parce que les animaux prennent souvent querelle, lorsqu’ils viennent boire en même tems au même ruisseau. Mais Cœlius Rhodiginus dit (& cette étymologie est beaucoup plus sensée) qu’anciennement on appelloit rivaux, rivales, ceux dont les terres étoient séparées par une fontaine ou un ruisseau, dont le cours étant sujet à être détourné suivant différentes routes, occasionnoit entre les voisins des disputes & des procès fréquens. C’est ce qu’on voit tous les jours à Paris entre les porteurs d’eau qui viennent pour remplir leurs seaux à la même fontaine. Cette coutume de séparer les terres par de petits canaux ou ruisseaux, a lieu dans les prairies voisines d’un gros ruisseau ou d’une riviere dont on fait entrer l’eau dans les prés, ensorte qu’il n’est permis aux particuliers ni d’en retenir ni d’en détourner le cours au détriment de leurs voisins.

Horace dit qu’un auteur trop amoureux de ses ouvrages, court risque d’en être amoureux tout seul & sans avoir de rival :

Quin sine rivali teque & tua solus amares. Art. poét.


& la Fontaine a dit d’un homme laid, & cependant épris de lui-même,

Un homme qui s’aimoit sans avoir de rivaux.