L’Encyclopédie/1re édition/RIEZ

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RIEZ, (Géog. mod.) petite ville de France, en Provence, sur la petite riviere d’Auveste, dans une plaine, à 9 lieues au sud-est de Sisteron, à 18 au nord-ouest de Toulon, & à 11 au nord-ouest d’Aix. C’est une ville fort ancienne. Pline la nomme Albecia, & il prend Reii pour le nom d’un peuple, comme Vocontii, Saluvii, &c. Le nom Reii prévalut sur celui d’Albeci. Dans le vj. siecle, Reii fut corrompu en Reggii, comme on le voit dans Grégoire de Tours. Il se tint un concile à Riez, en 439, & le député de cette ville entre aux assemblées générales. Son territoire produit les meilleurs vins de Provence. Les évêques de Riez sont seigneurs temporels de la ville ; leur évêché est suffragant d’Aix, & vaut dix-huit à vingt mille livres de revenu. Longitude 23. 36. latitude 43. 51.

Abeille (Gaspard), né à Riez, vint jeune à Paris, & trouva le moyen de s’y faire connoître. Il embrassa l’état ecclésiastique, & le maréchal de Luxembourg le prit auprès de lui, pour secrétaire du gouvernement de Normandie. M. de Vendôme, & la duchesse de Bouillon (Marie-Anne Mancini) l’honorerent aussi de leur protection. Il fut reçu en 1704 à l’académie françoise. Il avoit donné 30 ans auparavant deux tragédies très-foibles, Argelie & Coriolan, qui furent imprimées.

L’abbé Abeille fit depuis d’autres tragédies, qui parurent sous le nom de la Thuillerie, comédien. On dit qu’une avanture désagréable, fut cause qu’il n’osa plus mettre son nom à ses ouvrages de théâtre. Une tragédie de lui, qu’on ne trouve point, commençoit par une scène entre deux princesses sœurs, dont l’une disoit à l’autre en entrant sur le théâtre :

Ma sœur, vous souvient-il du feu roi notre pere ?

La seconde actrice hésitant, & cherchant le premier mot de son rôle, un plaisant qui s’ennuyoit dans le parterre, répondit pour elle :

Ma foi, s’il m’en souvient, il ne m’en souvient guere.

Les éclats de rire suspendirent le commencement du spectacle ; & quand à diverses reprises, on tenta de commencer, la plaisanterie fut chaque fois répétée en chœur par-tout le parterre, & les comédiens furent obligés de donner une autre piece. C’est à cette avanture, vraie ou fausse, qu’un bel esprit de Provence fait allusion, dans une épitaphe qu’il fit à l’abbé Abeille, mort le 22 Mai 1718, dans un âge très avancé.

Ci gît cet auteur peu fêté,
Qui crut aller tout droit à l’immortalité :
Mais sa gloire & son corps n’ont qu’une même biere ;
Et lorsqu’Abeille on nommera,
Dame Postérité dira :
Ma foi, s’il m’en souvient, il ne m’en souvient guere.

Dans différens recueils de l’académie, on trouve diverses pieces fugitives de la main de l’abbé Abeille, & qui sont pour la plûpart des épitres morales. Celle qui roule sur l’amitié, est pleine de sentimens, qui font l’éloge du cœur du poëte. Il a fait une autre épitre sur la constance, où la justesse n’est pas ce qui y regne le plus, si l’on peut s’en rapporter à une épigramme satyrique de l’abbé de Chaulieu, laquelle ne se trouve point dans les éditions de ses œuvres.

Est-ce Saint-Aulaire, ou Toureille,
Ou tous deux, qui vous ont appris
A confondre, mon cher Abeille,
Dans vos très-ennuyeux écrits,
Patience, vertu, constance ?
Apprenez cependant comme on parle à Paris :
Votre longue perséverance
A nous donner de méchans vers ;
C’est ce qu’on appelle constance ;
Et dans ceux qui les ont soufferts,
Cela s’appelle patience.

Œuvres de Despréaux 1747, t. V. (D. J.)