L’Encyclopédie/1re édition/RHACHITIS

RHACOLE  ►

RHACHITIS, s. m. terme de Chirurgie, qui signifie une maladie qui attaque les os des enfans, & les rend enflés, courbés & tortus. Voyez Enfans, Os..

Cette maladie leur vient souvent d’être mal emmaillotés, d’être trop serrés dans des endroits, & pas assez dans d’autres ; d’être placés de travers, ou d’être trop long-tems dans la même posture, ou de les laisser trop long-tems humides. Elle vient aussi du défaut de mouvement qui se trouve chez eux, & de l’usage de les porter sur les bras ; ce qui fait que leurs genoux & leurs jambes sont trop long-tems dans une situation courbée ; ou par le manque de digestion, ce qui occasionne les alimens à être inégalement distribués dans le corps ; ce qui fait qu’une partie des os prend de l’accroissement au défaut de l’autre.

Les enfans se nouent ordinairement entre les premiers 8 mois & l’âge de 6 ans. La partie qui se noue est lâche, flaccide & foible ; & si ce sont les jambes, elles ne peuvent plus porter le reste de leur corps. Toutes les parties qui servent au mouvement volontaire du corps sont pareillement affoiblies & débilitées, & l’enfant devient pâle, malingre, incapable de tout, & ne se peut tenir droit ; sa tête devient trop forte pour le tronc, & les muscles du cou ne peuvent plus la faire mouvoir, parce qu’ils perdent insensiblement leur force ; leurs poignets, la cheville du pié & les extrémités de leurs côtes se gonflent, & se chargent d’excrescences noueuses, & les os de leurs jambes & de leurs cuisses viennent de travers & crochus ; le pareil désordre saisit aussi leurs bras.

Si cette maladie continue long-tems, le thorax se rétrécit, d’où s’ensuit la difficulté de respirer, la toux & la fievre étique ; l’abdomen s’enfle, le pouls devient foible & languissant, & si les symptomes s’augmentent, la mort s’ensuit. Quand un enfant est capable de parler avant que de pouvoir faire usage de ses jambes, c’est une marque qu’il est noué ; quand cette maladie leur commence de bonne heure, on peut y remédier par des appuis & des bandages que l’on applique aux parties attaquées ; mais quand les os sont parvenus à un état de rigidité & d’inflexibilité, il faut se servir d’autres inventions méchaniques, de différentes sortes de machines faites de carton, de baleine, d’étain, &c. Pour remettre les os tortués dans leur direction naturelle, on se sert de botines de fer blanc pour redresser les jambes ; on met aussi en usage une croix de fer pour comprimer les épaules lorsque les enfans deviennent bossus. Voyez fig. 2. Pl. VI.

Les bains froids servent aussi dans cette maladie, ce qu’il faut faire éprouver aux enfans avant que les nœuds soient absolument formés, & pendant le mois de Mai & de Juin, en les tenant deux ou trois secondes dans l’eau à chaque immersion.

Quelques-uns se servent de liniment de rum, eau-de-vie tirée du sucre, & d’huile de palme ; & d’autres d’emplâtres de minium & d’oxicroceum que l’on applique sur le dos, de sorte que l’on en couvre l’épine entiere. On se sert aussi de frictions sur tout le corps, que l’on fait avec un linge chaud devant le feu, sur-tout à la partie affligée ; l’huile de limaçon est encore bonne pour cette maladie. On tire l’huile de ces animaux en les pilant & les suspendant dans un sac de flanelle, & on enduit les membres & l’épine du dos du malade avec cette huile. Tout ce qui vient d’être dit est traduit de Chambers. On a cru devoir conserver ce qu’on pense en Angleterre d’une maladie qui y est très-commune, & qui paroît y avoir pris son origine il y a une centaine d’années.

Le rhachitis est une maladie particuliere aux enfans, qui consiste dans un amaigrissement de toutes les parties du corps au-dessous de la tête, dans une courbure de l’épine & de la plûpart des os longs, dans un gonflement des épiphyses & des os spongieux, dans les nœuds qui se forment à leurs articulations, dans une dépression des côtes dont les extrémités paroissent nouées, dans un retrécissement de la poitrine, & dans un épuisement & une espece de retrécissement des os des îles & des omoplates, pendant que la tête est fort grosse, & que le visage est plein & vermeil. Le ventre est gonflé & tendu, parce que le foie & la rate sont d’un volume considérable. On remarque que les enfans qui en sont attaqués, mangent beaucoup, & qu’ils ont l’esprit plus vif & plus pénétrant que les autres ; & enfin, quand on ouvre ceux qui en meurent, on trouve que les poumons adhérens à la plevre sont livides, skirrheux, remplis d’abscès, & presque toutes les glandes conglobées, gonflées d’une lymphe épaisse.

Glisson, fameux médecin anglois, prétend que la courbure des os arrive par la même raison qu’un épi de blé se courbe du côté du soleil, ou qu’une planche, du papier, un livre & autres choses semblables se courbent du côté du feu, parce que le soleil ou le feu enleve quelques-unes des parties humides qui se rencontrent dans les pores de la surface opposée ; ce qui fait à l’égard de ces surfaces ce que feroient plusieurs coins de bois que l’on mettroit dans les séparations des pierres qui composent une colonne ; car si tous les coins étoient du même côté, le pilier ou la colonne se courberoit du côté opposé.

Voulant faire l’application de cet exemple à la courbure des os, il dit qu’ils se courbent lorsque la nourriture se porte en plus grande abondance d’un côté que d’autre ; parce qu’un côté venant à s’enfler & à croître considérablement, oblige la surface opposée à se courber : c’est pour cette raison que le même auteur ordonne de frotter le côté courbé d’huile pénétrante & de linges chauds, pour rappeller la nourriture dans cette partie, & faire entrer dans ces pores des particules nourricieres pour alonger ces fibres ; & pour favoriser cet effet, il veut qu’on applique des bandages & des attelles aux côtés opposés à la courbure.

Ce système de Glisson a été réfuté par plusieurs auteurs. On ne connoît aucune cause qui puisse produire une distribution inégale de la nourriture dans quelque os ; & l’on voit que, contre cette opinion, les os se courbent du côté où ils devroient recevoir le plus de nourriture.

Mayow propose un système tout différent, où il dit que dans le rhachitis, les cordes tendineuses & les muscles sont desséchés & raccourcis faute de nourriture, à cause de la compression des nerfs de la moëlle de l’épine qui se distribuent à ces organes ; que par conséquent dans leurs différentes contractions, il font courber les os, de même qu’une corde attachée à l’extrémité du tronc d’un jeune arbre l’obligeroit de se courber à mesure qu’il croîtroit.

On a fait quelques objections à ce système que M. Petit adopte dans son traité des maladies des os ; mais à la réfutation de ces objections, par laquelle il prouve que la courbure des os dépend de la contraction des muscles, il ajoute que sans leur mollesse ils ne pourroient se courber. M. Petit explique la courbure de chaque os en particulier par la contraction des muscles qui s’y attachent, la pesanteur du corps & leur courbure naturelle, trois causes qui ne peuvent agir qu’autant que les os seront mous.

La mollesse des os étant la cause occasionnelle de leur courbure, il faut rechercher la cause de cette mollesse dans l’altération des humeurs nourricieres, qui ne peut être produite que par le mauvais usage des choses non-naturelles. Voyez Choses non-naturelles.

Les causes primitives qui paroissent pouvoir agir sur les enfans en altérant leurs humeurs, peuvent se réduire à cinq ; savoir, les régions & les climats différens, les dents qui doivent sortir ou qui sortent, les vers auxquels ils sont sujets, le vice du lait & des autres alimens, & le changement de nourriture quand on les sevre. M. Petit explique fort au long comment ces différentes causes contribuent au vice des humeurs, qui détruisant la consistance naturelle des sucs nourriciers, produit la mollesse des os. L’action des muscles & la pesanteur naturelle du corps agissent principalement sur l’épine à cause de sa courbure naturelle ; les nerfs de la moëlle de l’épine sont comprimés, & c’est à cette compression qu’on peut attribuer tous les phénomenes qu’on remarque dans cette maladie. M. Petit répond à toutes les objections qu’on peut faire contre sa théorie ; & cet auteur finit l’article de rhachitis, en disant que s’il s’est étendu beaucoup plus sur les causes, & sur l’explication des symptomes que sur les formules, c’est qu’il est persuadé que les maladies qui sont bien connues indiquent elles-mêmes le remede qui leur convient. On voit par ce qui a été dit, qu’on peut prévenir cette maladie en prenant autant qu’il est possible, des précautions contre les causes qui la produisent, & qu’on peut la pallier & la guérir même entierement, en s’attachant à bien discerner la cause pour la combattre par les moyens que le régime & les remedes fournissent contre elle. (Y)