L’Encyclopédie/1re édition/RENONCER, RENIER, ABJURER

RENONCER, RENIER, ABJURER, (Synon.) On renonce à des maximes & à des usages qu’on ne veut plus suivre, ou à des prétentions dont on se désiste. On renie le maître qu’on sert, ou la religion qu’on avoit embrassée. On abjure l’opinion qu’on avoit embrassée, & l’erreur dans laquelle on étoit tombé.

Philippe V. a renoncé à la couronne de France. S. Pierre a renié Jesus-Christ. Marguerite de Valois fut persécutée dans son enfance par son frere le duc d’Anjou, depuis Henri III. pour abjurer le catholicisme, qu’il nommoit une bigoterie.

Abjurer se dit en bonne part ; ce doit être l’amour de la vérité, & l’aversion du faux, ou du-moins de ce que nous regardons comme tel, qui nous engage à faire abjuration. Renier s’emploie toujours en mauvaise part ; un libertinage outré, ou un intérêt criminel fait les renégats. Renoncer est d’usage de l’une & l’autre façon, tantôt en bien, tantôt en mal ; le choix du bon nous fait quelquefois renoncer à nos mauvaises habitudes, pour en prendre de meilleures ; mais il arrive encore plus souvent que le caprice & le goût dépravé nous font renoncer à ce qui est bon, pour nous livrer à ce qui est mauvais.

L’hérétique abjure quand il rentre dans le sein de l’Eglise. Le chrétien renie quand il se fait mahométan. Le schismatique renonce à la communion des fideles pour s’attacher à une société particuliere.

Ce n’est que par formalité que les princes renoncent à leurs prétentions ; ils sont toujours prêts à les faire valoir, quand la force & l’occasion leur en fournissent les moyens. Tel résiste aux persécutions, qui n’est pas à l’épreuve des caresses ; ce qu’il défendoit avec fermeté dans l’oppression, il le renie ensuite avec lâcheté dans la faveur. Quoique l’intérêt soit très-souvent le véritable motif des abjurations, je ne me défie pourtant pas toujours de leur sincérité, parce que je sai que l’intérêt agit sur l’esprit comme sur le cœur. Girard, synonymes. (D. J.)