L’Encyclopédie/1re édition/REFUGE

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REFUGE, s. m. (Gram.) signifie un sanctuaire ou asyle, où un homme qu’on persécute cherche sa sureté. Voyez Asyle.

Il y a à Paris un hôpital qu’on appelle le refuge, où l’on enferme les filles de mauvaise vie.

Refuge, droit de, (Antiq grecq. & rom.) en latin perfugium inviolabile ou jus perfugii ; droit de sureté pour les coupables & les malheureux, accordé en leur faveur par les Grecs & les Romains, à des villes, à des temples, à des autels & autres lieux consacrés à quelque divinité.

Il faut donc savoir, que tout lieu consacré, étoit par sa consécration saint & inviolable ; mais ces lieux sacrés, les temples même ne jouissoient pas tous du droit de refuge ; ce privilege leur étoit accordé par la piété & par la libéralité des princes, ou par decret d’un peuple, d’une nation.

Le sénat de Rome, en confirmant les actes de Jules-César, qui avoit accordé le droit d’asyle au temple de Vénus de la ville d’Aphrodisée en Carie, ordonna que ce droit seroit semblable à celui du temple de Diane éphésienne, à Ephese. Le sénat en confirmation de l’édit d’Auguste, reconnut aussi les refuges sacrés, ἱερὰ ἄσυλα, des temples de la ville de Stratonicée en Carie.

Les droits de refuge avoient plus ou moins d’extension, suivant que l’exigeoient ou le bien de la religion, ou les intérêts politiques ; & quelquefois on les restraignoit, ou même on les supprimoit entierement, lorsque les abus étoient nuisibles à la société. Plusieurs temples de la Grece & de l’Orient, jouissoient du droit d’asyle ; on en peut lire les détails & les preuves dans l’ouvrage du baron de Spanheim. Voyez aussi le mot Asyle.

J’ajoute seulement, qu’il faut bien distinguer ἄσυλον, le drot d’asyle & le titre d’ἄσυλος, accordé à un pays, à une ville, soit par les princes, soit par le consentement des peuples. Le premier signifie un lieu de retraite & de refuge ; le second exprime une sauve-garde, & une espece de neutralité qui mettoit un pays, une ville à couvert d’insulte, de pillage, & de tout acte d’hostilité. (D. J.)

Refuge, villes de, (Critiq. sacrée.) Moïse établit six villes où pourroient se retirer en sûreté ceux qui par hasard & sans le vouloir auroient tué un homme, afin qu’ils eussent le tems de se justifier & de se défendre devant les juges, sans avoir rien à craindre des parens du mort. Il y avoit trois de ces villes dans la terre de Chanaan, en deçà du Jourdain. Quoique le meurtrier dans ces villes de réfuge fût à l’abri des poursuites de la famille de celui qui avoit été tué, il ne l’étoit pas de celles de la justice. On informoit contre lui, & il falloit qu’il prouvât que le meurtre qu’il avoit commis étoit involontaire. S’il se trouvoit coupable, on le punissoit selon la rigueur des lois ; mais s’il étoit innocent & reconnu pour tel par un jugement solemnel, il demeuroit captif dans la ville de réfuge jusqu’à la mort du souverain pontife, d’où dépendoit uniquement sa liberté. C’est ainsi que Moïse, pour inspirer aux Juifs une plus grande horreur de l’homicide, crut devoir punir le meurtre, même involontaire, par une espece d’exil. Si le meurtrier sortoit avant le tems prescrit, le vengeur du sang de celui qui avoit péri avoit droit de le tuer impunément ; mais après le décès du grand-prêtre, il lui étoit permis de se retirer par-tout où il vouloit, sans que personne pût le poursuivre, ni lui faire aucune insulte. (D. J.)