L’Encyclopédie/1re édition/RÉCLAMATION
RECLAMATION, (Jurisp.) signifie quelquefois revendication, comme quand on dit la réclamation d’un meuble ou autre effet ; la réclamation d’un serf fugitif, de la part du seigneur.
Réclamation signifie aussi quelquefois plainte ou protestation, action ; comme quand on dit qu’il faut rélamer contre un acte dans les dix ans.
Réclamation contre les vœux de religion, est la protestation qu’un religieux fait contre l’émission de ses vœux, & la demande qu’il forme ensuite pour faire annuller ces mêmes vœux.
Il y a autant de causes de réclamation, que de causes qui peuvent rendre nulle la profession religieuse. Les plus ordinaires sont, lorsque le profès n’a point fait le tems nécessaire de noviciat ; lorsqu’il a prononcé ses vœux avant l’âge de 16 ans accomplis ; qu’il les a faits par crainte, par violence, ou dans un tems auquel il n’avoit pas son bon sens, ou si la profession n’a point été reçue par un supérieur légitime, ou qu’elle n’ait pas été faite dans un ordre approuvé par l’Eglise.
Toute personne de l’un ou de l’autre sexe qui veut faire déclarer ses vœux nuls, pour quelque cause que ce soit, doit avoir propose ses moyens de nullité au supérieur, ou à la supérieure, & à l’ordinaire du lieu où le monastere est situé, dans les cinq ans, à compter du jour de la profession : on ne doit point écouter celui ou celle qui n’a point rempli cette formalité.
La disposition du concile de Trente est conforme à ce qui vient d’être dit, pour la nécessité de réclamer dans les cinq ans.
En France, on n’admet point ce qu’on appelle ailleurs la profession tacite. La réclamation doit y être faite dans les cinq ans, non en vertu du concile de Trente, mais en vertu d’un ancien usage qui est fondé sur la disposition de droit, ne de statu defunctorum post quinquennium quæratur. C’est ainsi que s’en expliqua M. Talon, lors d’un arrêt du 4 Mars 1627, qui est au journal des audiences.
Ainsi parmi nous, le laps de cinq ans sans réclamation, ne repare rien, il n’opere qu’une fin de non-recevoir qui empêche d’admettre & d’écouter les plaintes contre l’émission des vœux ; au-lieu que dans les pays où la profession tacite est admise, le laps de cinq ans sans réclamation, est une nouvelle profession tacite, qui ratifie la premiere, & en répare tous les défauts.
On accorde quelquefois à Rome une dispense de laps de cinq ans depuis la profession, sans aucune déclaration faite au supérieur & à l’ordinaire. Mais pour qu’une telle dispense ne soit pas abusive, il faut que celui qui l’a obtenue n’ait point eu la liberté de proposer, dans les cinq ans, ses moyens de réclamation.
Quelques religieux avant de donner leur requête en réclamation, obtiennent un bref de cour de Rome à cet effet, ce qui n’est pourtant pas nécessaire, ne s’agissant pas en cette occasion de dispenser & relever le religieux de ses vœux ; mais seulement de juger si l’émission des vœux a été faite valablement.
Le religieux qui veut réclamer contre ses vœux, n’est pas obligé de faire des poursuites à cet effet dans les cinq ans ; il suffit que dans ce délai il ait protesté & proposé ses moyens au supérieur & à l’ordinaire, pourvû néanmoins que depuis les cinq ans il n’ait pas laissé encore écouler l’espace de dix années, parce qu’un tems si considérable feroit présumer qu’il a abandonné tacitement sa réclamation.
Quand la cause de réclamation vient de ce que la personne étant déjà liée, ne pouvoit s’engager dans l’état religieux ; en ce cas, cette personne peut réclamer après les cinq ans, tant que le même empêchement subsiste. Ainsi un homme marié doit toujours retourner avec sa femme, & vice versâ, la femme retourner avec son mari, quand il y auroit plus de 20 ans que l’un ou l’autre se seroit engagé dans la vie religieuse.
Celui qui réclame contre ses vœux doit être revêtu des habits de son ordre, & demeurer actuellement dans son monastere. Telle est la disposition du concile de Trente ; & si le religieux se présentoit autrement, loin de l’écouter, on le traiteroit comme un apostat.
La demande en réclamation de vœux ne peut être portée que devant le juge d’église, cette matiere étant reputée purement spirituelle ; ce qui est conforme à l’ordonnance de 1539, & à l’édit du mois d’Avril 1695. De sorte que quand il y a appel comme d’abus au parlement, d’une sentence de l’official en cette matiere, le parlement juge seulement s’il y a abus ou non, & pour le fond renvoie les parties devant l’official.
Le religieux qui réclame, doit faire assigner devant l’official le supérieur du monastere, & ceux qui ont intérêt de s’opposer à sa restitution au siecle. Si les faits articulés par le religieux paroissent pertinens, on l’admet à la preuve ; & si elle se trouve concluante, le juge par sa sentence, déclare nulle la profession de celui qui réclame, & lui permet de rentrer au siecle.
Le religieux qui veut réclamer contre ses vœux, ne peut pas se contenter de faire preuve de ses faits devant l’official, & ensuite se pourvoir en cour de Rome, & y obtenir un rescrit qui déclare ses vœux nuls ; cette procédure seroit contraire à la pragmatique & au concordat, qui veulent que les causes ecclésiastiques soient jugées sur les lieux.
Il est défendu, sous peine de mort, aux personnes de l’un & l’autre sexe qui ont intenté leur action en réclamation, ou obtenu des rescrits pour être relevées de leurs vœux, de se marier avant que le rescrit soit fulminé, ou le procès jugé. La même peine doit avoir lieu contre ceux & celles qui épousent sciemment de telles personnes. Voyez la pragmatique, le concordat, le concile de Trente, les arrêts des 26 Février 1624, & 9 Juillet 1668, les lois civiles de M. de Héricourt. (A)