L’Encyclopédie/1re édition/RÉCITATION

RÉCITATION, s. f. (Poésie théât. Art orat.) La récitation, dit M. l’abbé Dubos, est une déclamation simple, qui n’est point accompagnée des mouvemens du corps, & que l’industrie des hommes a inventée pour plaire, & pour toucher davantage que ne peut faire la lecture, sur-tout quand il s’agit de poésie. En effet, la récitation bien faite donne aux vers une force qu’ils n’ont pas, quand on les lit soi-même sur le papier où ils sont écrits. L’harmonie des vers qu’on récite, flatte l’oreille des auditeurs, & augmente le plaisir que le sens des vers est capable de donner ; c’est un plaisir pour nos oreilles, au-lieu que leur lecture est un travail pour nos yeux. L’auditeur est plus indulgent que le lecteur, parce qu’il est plus flatté par les vers qu’il entend, que l’autre par ceux qu’il lit. Aussi voyons-nous que tous les Poëtes, ou par instinct, ou par connoissance de leurs intérêts, aiment mieux réciter leurs vers, que de les donner à lire, même aux premiers confidens de leurs productions Ils ont raison s’ils cherchent des louanges, plutôt que des conseils utiles.

C’étoit par la voie de la récitation que les anciens poëtes publioient ceux de leurs ouvrages qui n’étoient pas composés pour le théâtre. On voit par les satyres de Juvénal, qu’il se formoit à Rome des assemblées nombreuses, pour entendre réciter les poëmes que leurs auteurs vouloient donner au public. Nous trouvons même dans les usages de ce tems-là, une preuve encore plus forte du plaisir que donne la récitation des vers, qui sont riches en harmonie. Si donc la simple récitation est si flatteuse, il est facile de concevoir les avantages que les pieces qui se représentent sur le théâtre, tirent de la déclamation : comme l’éloquence du corps ne persuade pas moins que celle des paroles ; les gestes aident infiniment la voix à faire son impression. Voyez Déclamation. (D. J.)