L’Encyclopédie/1re édition/QUADRAN
QUADRAN, s. m. (Bijout.) les Lapidaires appellent ainsi un instrument dont ils se servent pour tenir les pierres fines sur la roue lorsqu’ils les taillent. Ce nom lui a été donné parce qu’il est composé de plusieurs pieces qui quadrent ensemble, & se meuvent avec des vis, qui faisant tourner le bâton, forment régulierement les différentes figures qu’on veut donner à la pierre.
Quadran-solaire, (Gnomon. antiq.) solarium. Voyez Cadran-solaire.
Je ne veux que nommer ici les divers cadrans solaires de l’antiquité, parce que la connoissance de leurs noms bisarres est nécessaire aux modernes pour entendre les écrits des anciens.
L’hémicycle faisoit le plus célebre de leurs cadrans solaires. Il étoit creusé dans un quarré, & coupé en inclinaison comme l’équinoctial. On en donnoit l’invention à Bérose chaldéen. Il est vraissemblable que ce cadran de Bérose étoit un plinthe coupé en hémicycle, ou demi-cercle concave, au bout d’en haut qui regarde le septentrion. Il y avoit un style sortant du milieu de l’hémicycle, dont la pointe répondant au centre de l’hémicycle, représentoit le centre de la terre ; & son ombre tombant sur la concavité de l’hémicyle, qui représentoit l’espace qu’il y a d’un tropique à l’autre, marquoit non-seulement les déclinaisons du soleil, c’est-à-dire les jours des mois, mais aussi les heures de chaque jour. Cela se pouvoit faire en divisant la ligne de chaque jour en douze parties ; ce qui doit s’entendre des jours qui sont depuis l’équinoxe d’automne jusque à celui du printems. Il étoit nécessaire d’augmenter l’hémicycle aux autres jours, qui ont plus de douze heures équinoxiales.
L’hémisphere du cadran d’Aristarchus, samien, étoit un cadran horisontal, dont les bords étoient un peu rehaussés, pour remédier à l’inconvénient de celui dont le stile étoit droit & élevé perpendiculairement sur l’horison ; car ces bords ainsi rehaussés, empêchent que les ombres ne s’étendent trop loin.
L’astronome Eudoxus trouva le cadran-solaire nommé l’araignée. Apollonius passoit pour avoir inventé le plinthe ou quarreau qui fut posé dans le cirque de Flaminius.
Scopas syracusain, avoit fait celui qu’on appella prostahistoroumena, nom qui lui fut donné, parce que les figures des signes y étoient peintes.
Parménion étoit l’inventeur du prosparhma, c’est-à-dire du cadran qui pouvoit servir à tous les climats de la terre.
Théodose & Andréas Patroclés trouverent le pelécinon, qui étoit un cadran fait en hache, où les lignes transversales qui marquoient les signes & les mois, étoient serrées vers le milieu, & élargies vers les côtés ; ce qui leur donnoit la forme d’une hache à deux côtés.
Enfin Dionysiodorus fit le cône, & Apollonius le carquois. Les cadrans en cône & en carquois, sont apparemment les verticaux.
Au reste si vous aimez autant les Lacédémoniens que la Gnomonique, vous apprendrez avec plaisir, que ce fut à Lacédémone qu’on vit pour la premiere fois les fruits de cette science ingénieuse, qui a trouvé la proportion des ombres pour la construction des cadrans solaires. Diogene de Laerce dit dans la vie d’Anaximandre, que ce fameux philosophe, à qui les Mathématiques doivent tant de belles découvertes, inventa les cadrans solaires, & fit le premier de sa propre main à Lacédémone. Pline demeure bien d’accord que ce cadran fut fait à Lacedémone, mais il en attribue la construction au philosophe Anaximene. En ce tems-là, les Philosophes étoient mathématiciens. Anaximandre avoit 64 ans la seconde année de la cinquante-huitieme olympiade ; c’est-à-dire l’an 547 avant la naissance de Jesus-Christ. Anaximene naquit 528 ans avant l’ere chrétienne. Pétau dispute à Diogene Laerce, la connoissance du tems de sa mort.
Les cadrans solaires passerent de la Grece en Sicile, d’où Valerius Messala, consul en 491, apporta à Rome le cadran de Catane, qui servit près de cent ans, jusqu’à ce que Quintus Marcius, consul en 567, en eut fait au même lieu un autre adapté au climat de Rome. Cependant on reconnut bien-tot que le soleil avec le cadran le plus parfait, n’étoit d’aucun secours pendant la nuit, ni même pendant le jour, lorsque le tems étoit couvert. Scipion Nasica, consul en 591 & 598, s’avisa le premier d’y substituer une horloge hydraulique, qui fût également utile la nuit & le jour. Enfin Ctesibuis, qui fleurissoit vers l’an 613 de Rome, inventa une horloge, où les rouages furent employés selon la description de Vitruve, savamment expliquée par M. Perrault. (Le Chevalier de Jaucourt.)