L’Encyclopédie/1re édition/Q
, S. m. (Gram.) c’est la dix-septieme
lettre & la treizieme consonne
de notre alphabet. Comme elle est toujours suivie d’un
u, si ce n’est dans un petit nombre
de mots, comme coq, cinq, laqs, nous terminons par cette
voyelle le nom de la consonne
q, & nous la nommons cu. Le
système naturel de l’épellation veut que nous la nommions
que ou ke. Cette lettre répond au κ des Grecs &
au ק des Hébreux.
L’articulation représentée par cette lettre est la même que celle du k, ou du c devant a, o, u, (voyez K & C). C’est une articulation linguale, dentale & forte, dont la foible répond au γ des Grecs, au ג des Hébreux : la pointe de la langue s’appuie contre les dents inférieures, & la racine s’éleve pour présenter à l’air l’obstacle qui doit en procurer l’explosion. C’est pourquoi ces deux articulations paroissent retentir au fond de la bouche & dans la trachée artere ; d’où vient que la plûpart des grammairiens les regardent comme gutturales, surtout les Allemands : gutturales appello, dit Wachter, quæ in regione gutturis form antur. (Glosar. germ. proleg. sect. ij. §. 20.) Mais comme l’instrument qui opere ces articulations est la langue appuyée contre les dents inférieures ; je crois qu’il vaut mieux caractériser l’explosion par ce méchanisme que par le lieu où elle s’opere. Elle a en outre d’autres liaisons d’affinité avec les autres articulations linguales & dentales ; & je les ai détaillées ailleurs. Voyez Linguale.
Comme articulation linguale, elle est analogue & commuable avec les autres de la même classe ; mais comme dentale, elle a encore plus d’analogie avec les dentales, & plus avec la foible qu’avec toutes les autres.
Comme lettre, c’est un meuble qui seroit absolument inutile dans notre alphabet, s’il étoit raisonné & destiné à peindre les élemens de la voix de la maniere la plus simple ; & ce vice est commun au q & au k. Priscien en a fait la remarque il y a longtems ; quoique j’aie déja rapporté ailleurs ses paroles à ce sujet, je le citerai encore ici. K & Q, dit-il, quamvis figurâ & nomine videantur aliquam habere differentiam cum C, tamen candem tàm in sono quàm in metro continent potestatem ; & k quidem penitùs supervacua est. Lib. II. Priscien ne se déclare que contre l’inutilité de la lettre k, quoiqu’au fond le q ne soit pas plus nécessaire : ce grammairien apparemment étoit de ceux qui jugeoient le q nécessaire pour indiquer que la lettre u formoit une diphtongue avec la voyelle suivante, au lieu qu’on employoit le c lorsque les deux voyelles faisoient deux syllabes ; aussi voyons-nous encore qui monosyllabe au nominatif, & cui dissyllabe au datif.
Il faisoit très-bien de s’en tenir à l’usage de sa langue ; mais en y obéissant, il auroit pu & dû l’apprécier. Si l’on avoit fait usage de la diérese, qu’on eût écrit cui au nominatif & cuï au datif ; on ne seroit pas tombé dans l’inconvénient réel de représenter la même articulation par deux signes différens. Si donc Varron & Licinius Calvus sont répréhensibles pour avoit rejetté le q, ce n’est pas, comme le dit D. Lancelot dans sa méthode latine (traité des lettres, ch. xix. §. 1.), parce qu’elle devoit être retenue à cause de cette distinction ; mais parce qu’ils contredisoient dans leur pratique, l’usage dont aucun particulier n’a droit de s’écarter, mais que tout homme de lettres peut discuter & juger.
« On doit observer, dit M. Duclos (rem. sur le ch. ij. de la I. part. de la gram. gén.), que le son du q est plus ou moins fort dans des mots différens : il est plus fort dans banqueroute que dans banquet… Le g (gue) est aussi plus ou moins fort : il est plus fort dans guenon que dans gueule ». J’avoue que je n’avois jamais apperçu, & que je n’apperçois point encore cette différence ; & je suis à cet égard organisé comme M. Harduin, secrétaire perpétuel de l’académie d’Arras, dont je viens d’emprunter les termes (rem. div. sur la prononc. p. 123.) je serois même tenté de croire que ce qui trompe ici la sagacité de l’illustre secrétaire de l’acad. Françoise, c’est la différence même des sons qui suivent l’une ou l’autre de ces consonnes, ou la différente quantité du même son.
L’abbé Danet, dans son dictionnaire françois-latin, dit que le q est une lettre double ; car sa figure, dit-il, est composée d’un c & d’un v renversé (en cette maniere ?) joints ensemble, qui font le même son. S’il faut prendre cette preuve à la lettre, elle est plaisante ; parce que les traits de la figure ne sont rien à la signification : si l’auteur a voulu dire autre chose que ce que présente la lettre, il s’est très-mal expliqué. Il devoit du moins s’étayer de ce que quelques anciens ont écrit q pour cu, comme qi, qæ, qid, pour qui, quæ, quid. Mais on lui auroit répliqué ce que l’auteur de la méthode latine répond à ceux qui emploient cet argument : 1°. que les anciens s’abstenoient d’écrire u après q, a après k, e après a, &c. parce que le nom épellatif de la lettre avertissoit assez de la voyelle suivante, quand elle devoit être la même que celle de l’épellation alphabétique, ce qui, pour le dire en passant, donne lieu de présumer que la méthode de Masclef pour lire l’hébreu pourroit bien n’être pas si éloignée qu’on l’imagine de l’ancienne maniere de lire. Voyez Point. 2°. Que quand les anciens écrivoient qis, qoe, qid, peut-être prononçoient-ils de même, selon le remarque de Quintilien ; fortassè etiam sicut scribebant, ita & loquebantur.
Q, comme lettre numérale, valoit 500 ; & surmonté d’une petite barre, Q valoit 500000.
Dans les noms propres des Romains, Q signifioit Quintus ou Quintius.
Sur nos monnoies cette lettre indique qu’elles ont été frappées à Perpignan. (B. E. R. M.)
Q q q, (Ecriture.) dans la coulée & la ronde c’est un o & la partie médiale d’un f. Dans l’italienne c’est la 8, 1, 2, 3, 4, & 7 partie d’o, & le milieu d’un f. Ils se forment tous trois du mouvement mixte des doigts & du poignet, dans leur premiere partie, & le poignet vient au secours des doigts dans la seconde partie. Voyez le volume des Pl. a la table de l’écriture. Pl. des alphabets.