L’Encyclopédie/1re édition/PYGMÉES

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PYGMÉES, s. m. pl. (Hist. anc.) peuples fabuleux qu’on disoit avoir existé en Thrace, & qu’on nommoit ainsi à cause de leur petite taille qu’on ne supposoit que d’une coudée, car πυγμὴ en grec signifie le poing ou une coudée, & de ce mot on avoit fait πυγμαῖος, nain, personne d’une taille extrèmement petite.

Les Pygmées, selon la tradition fabuleuse, étoient des hommes qui n’avoient au plus qu’une coudée de haut. Leurs femmes accouchoient à 3 ans & étoient vieilles à huit. Leurs villes, leurs maisons n’étoient bâties que de coquilles d’œufs ; à la campagne ils se retiroient dans des trous qu’ils faisoient sous terre & coupoient leurs blés avec des coignées, comme s’il se fût agi d’abattre des forêts. On raconte qu’une de leurs armées ayant attaqué Hercule endormi & l’assiégeant de toutes parts avec beaucoup d’ordre & de méthode, ce héros enveloppa tous les combattans dans sa peau de lion & les porta à Euristée ; on les fait encore combattre contre les grues leurs ennemis mortels, & on les arme à proportion de leur taille ; les modernes ont ressuscité cet fable dans celle des habitans de Lilliput, mais il y ont semé beaucoup plus de morale que les anciens.

Les Grecs qui reconnoissoient des géans, c’est-à-dire des hommes d’une grandeur extraordinaire, pour faire le contraste parfait imaginerent ces petits hommes qu’ils appellerent Pygmées. Peut-être, dit M. l’abbé Banier, l’idée leur en vint de certains peuples d’Ethiopie appellés Pechiniens (nom qui a quelque analogie avec celui de pygmée), & ces peuples étoient d’une petite taille comme sont encore aujourd’hui les peuples de Nubie. Les Grecs se retirant tous les hivers dans les pays les plus méridionaux, ces peuples s’assembloient pour les chasser & les empêcher de gâter leurs semailles, & de-là la fiction du combat des Pygmées contre les grues. Plusieurs historiens ont parlé des Pygmées, mais on croit qu’ils n’ont été que les copistes ou les amplificateurs d’Homere, qui n’en avoit fait mention que dans un membre de comparaison qui ne peut jamais fonder une certitude historique.

Pygmées, (Critiq. sacrée.) il est souvent fait mention des Pygmées dans l’Ecriture. Le prophete Ezéchiel, c. xxvij. v. 11. après avoir parlé des avantages de la ville de Tyr, de ses forces & de ses armées, ajoute, suivant la vulgate, sed & Pigmæi, qui erant in turribus tuis, pharetras suas suspenderant in muris tuis per gyrum, ipsi compleverunt pulchritudinem tuam. Les interpretes ont paru fort embarrassés à expliquer ce passage, & la variété de leurs sentimens marque assez l’incertitude de leurs conjectures. Il semble, à les entendre, que les Pygmées obligés de céder à la guerre continuelle que leur faisoient les grues, s’étoient retirés sur les côtes de Phénicie pour se mettre au service des Tyriens, qui les placerent sur leurs tours, comme si de pareils soldats avoient pû faire l’ornement d’une ville, qui, selon le même prophete, avoit dans ses troupes des soldats de presque toutes les nations.

Il est vrai que le texte des Septante les nomme simplement Φύλακες, des gardes, & dans une autre leçon Μῆδοι, les Medes. Le chaldéen a traduit ce mot par celui de Gaffadin, les Cappadociens ayant changé le Μ en Π ; mais l’hébreu s’est servi du mot de gammadin ; & comme gomed signifie une coudée, c’est ce qui a donné lieu à l’auteur de la vulgate, à saint Jérôme & à Aquila, de traduire ce mot par celui de pigmæi.

L’origine de l’équivoque est par-là bien prouvée ; mais il reste toujours à savoir qui étoient ces Gammadins qu’on avoit mis sur les tours de la ville de Tyr. Etoit-ce de véritables Pygmées, comme Schottus, Bartholin, & quelques interpretes l’ont dit après R. Chimchi ? ou bien étoit-ce les habitans de Maggédo, ainsi que l’ont avancé d’autres savans, ou de simples gardes, comme le veut Forstérus, ou enfin les Gamaliens dont parle Pline ?

Un savant académicien de Paris, après avoir examiné ce passage avec attention, voyant que le prophete semble preférer les Gammadins aux Perses, aux Assyriens, aux Grecs, & à tous les autres peuples qui avoient pris parti dans les armées des Tyriens, & qu’ils faisoient l’ornement de leur ville, pense qu’il a voulu parler des divinités qu’on avoit placées sur les tours, avec leurs armes & leurs fleches, comme on mettoit les dieux pataïques sur la proue des vaisseaux, dont ils faisoient le principal ornement ; & que les uns & les autres, étoient représentés par de petites idoles, comme Hérodote le dit formellement de ces derniers, que Cambise trouva dans le temple de Vulcain en Egypte, & qui selon cet historien, ressembloient à des Pygmées.

Au reste, ce n’est là qu’une simple conjecture, mais suivant laquelle disparoissent les rêveries des rabbins & des commentateurs, qui sur la simple étymologie du mot gomed, avoient mis des Pygmées sur les tours de Tyr, au-lieu de trouver dans le passage d’Ezéchiel, ou un peuple de Phéniciens robuste, adroit à tirer de l’arc, & marqué à la suite des autres comme distingué ; ou des dieux patrons d’une ville idolâtre, qui mettoit en eux toute sa confiance, & en faisoit son principal ornement. (D. J.)

Pygmées, (Géog. anc.) peuples fabuleux, à qui les anciens ne donnoient qu’une coudée de hauteur ; ils ont mis de tels peuples dans l’Inde, dans l’Ethiopie, & à l’extrémité de la Scythie. Des voyageurs modernes mettent à leur tour des Pygmées dans les parties les plus septentrionales de l’univers. Il est vrai que quelques nations qui habitent les terres arctiques, comme les Lapons & les Samoyedes, sont d’une petite taille ; mais quelque petite que soit leur taille, ils ont plus de deux coudées ; les Pygmées d’une coudée n’existent que dans les fables des Poëtes, dont les anciens écrivains s’amusoient, sans en croire un mot. Pline, liv. VI. ch. x. dit simplement, que quelques-uns avoient rapporté que les nations des Pygmées habitoient dans les marais où le Nil prenoit sa source. Strabon, liv. XVII. regarde absolument les Pygmées comme un peuple imaginaire, car il ajoute qu’aucune personne digne de foi ne soutenoit en avoir vû ; cependant l’abbé Danet, dans son dictionnaire, s’est avisé de prêter au même Strabon & à Pline, tous les contes d’enfans des autres auteurs. (D. J.)