L’Encyclopédie/1re édition/PURITAINS

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PURITAINS, s. m. pl. (Hist. ecclés. mod.) c’est ainsi que l’on nomma en Angleterre les partisans d’une secte de la religion protestante, qui faisoit profession d’une plus grande pureté que les autres dans la doctrine & dans les mœurs, & qui sous ce prétexte, se livra à toute la fureur & les excès que le fanatisme puisse inspirer. Henri VIII. en se séparant de l’église romaine, avoit conservé presque tous les dogmes que cette église enseigne, ainsi que la plus grande partie des rits & des cérémonies que son culte prescrit. Sous Edouard VI. son fils, les ministres qui gouvernoient durant la minorité de ce prince, favorisant les opinions de la réforme, firent que la religion anglicane s’éloigna encore davantage de la foi catholique. Sous le regne de Marie, qui en conservant l’ancienne religion, avoit adopté les maximes sanguinaires de Philippe II. son époux, on chercha à rétablir par le fer & par le feu la religion primitive de l’Angleterre, qui avoit été considérablement altérée sous les regnes précédens. Les violentes persécutions de Marie obligerent un grand nombre de ceux qui avoient embrassé les nouvelles opinions, à chercher un asyle dans les pays étrangers. Là ils eurent occasion de fréquenter les sectateurs de Calvin & de sa réforme. La reine Elisabeth étant montée sur le trône, changea toutes les mesures prises par sa sœur pour le rétablissement de la religion catholique. Cette princesse accorda toute sa protection aux Protestans ; elle persécuta les Catholiques sans cesser pour cela de conserver un grand nombre de leurs cérémonies, ainsi que la hiérarchie des évêques, l’habillement des prêtres, &c. Alors les Protestans qui pendant le regne de Marie s’étoient retirés en France, à Genève & dans les Pays-bas, retournerent dans leur patrie, & y rapporterent avec eux les sentimens de Calvin, & le zele que la nouveauté inspire aux partisans d’une secte. Quelques écossois revinrent aussi dans leur pays, & y apporterent leurs opinions & leur fanatisme. Le plus bouillant de ces zélateurs écossois s’appelloit Jean Knox. Ce prédicateur insolent s’éleva avec une furie incroyable contre la fameuse reine Marie Stuart, qui professoit la religion catholique. Il ne lui donnoit d’autre nom que celui de Jezabel. Il cherchoit à soulever les peuples contre le gouvernement de cette princesse ; & cet apôtre fougueux, rempli de la lecture de l’ancien Testament, où il n’avoit puisé que l’indocillité & l’intolérance du peuple juif, ne rappelloit à ses auditeurs que les exemples d’Agag roi des Amalécites, tué par Samuël, des prêtres de Baal, égorgés par le prophete Elie, &c. Secondé par d’autres fanatiques aussi pervers que lui, & par des enthousiastes qui prenoient le ton des prophetes, Jean Knox parvint à allumer le zele féroce de ses compatriotes. Il fut cause de tous les malheurs de la reine d’Ecosse. Ils ne finirent que par la catastrophe sanglante qui lui fit perdre la tête sur un échafaud.

En Angleterre les Puritains n’avoient pas moins de fanatisme que leurs freres d’Ecosse, mais le gouvernement rigoureux de la reine Elisabeth, jalouse de ses prérogatives, ne leur permit point de l’exercer. Cette princesse alarmée des entreprises audacieuses des nouveaux sectaires, dont les opinions devenoient dangereuses pour son trône, crut devoir les réprimer. Peut être l’eût-elle fait efficacement si ces fanatiques n’eussent trouvé parmi ses ministres des protecteurs cachés, qui paroient les coups que l’autorité vouloit leur porter. L’animosité de ces nouveaux sectaires contre la religion catholique, faisoit qu’ils ne trouvoient point la religion établie en Angleterre, assez éloignée de celle du pape. Ils appelloient cette derniere la religion de l’antechrist, la prostituée de Babylone, &c. L’ordre des évêques leur paroissoit odieux, il n’étoit à leurs yeux qu’un reste du papisme ; ils condamnoient l’usage du surplis dans les ecclésiastiques ; la confirmation des enfans ; le signe de la croix dans le baptême ; la coutume de donner un anneau dans les mariages ; l’usage de se mettre à genou en recevant la communion ; celui de faire la révérence en prononçant le nom de Jesus, &c. Tels étoient les objets de la haine des puritains. Ils sont bien propres à nous faire voir à quel point les plus petites cérémonies peuvent échauffer l’esprit des peuples, lorsqu’elles donnent matiere aux disputes des Théologiens.

Persécuter une secte, c’est la rendre intéressante. Si Marie n’eût point tourmenté les Protestans, il n’y eût peut être jamais eu de puritains en Angleterre. Lorsqu’ils y revinrent sous Elisabeth, ils furent regardés comme des confesseurs de la foi ; ils ne tarderent point à faire des prosélytes, leur nombre augmenta journellement. Enfin sous les regnes suivans ils se rendirent formidables au souverain & à la religion établie dans le royaume. Charles I. en qualité de chef suprème de l’église anglicane, ayant voulu établir l’uniformité du culte en Ecosse comme en Angleterre, rencontra dans les puritains un obstacle invincible à ses desseins. Ces sectaires aveuglés par leur zele fougueux, exciterent dans la Grande Bretagne des guerres civiles qui l’inonderent du sang de ses citoyens. Des ambitieux profiterent de l’égarement dans lequel le fanatisme avoit jetté les peuples ; ils mirent le comble à ces désordres par le supplice du roi, que Cromwel & ses adhérens firent périr sur un échafaud. Tels sont les effets de la persécution & du fanatisme ; telles sont les suites de l’importance que les souverains mettent dans les disputes théologiques. Elles entraînent presque toujours des animosités si cruelles qu’elles menacent de ruine les états les plus puissans. La mort de Charles I. fit tomber les Anglois sous la tyrannie de Cromwel. Cet usurpateur prit le titre fastueux de protecteur de la nation. Après le rétablissement de Charles II. le pouvoir des puritains qui avoient causé tant de maux à leur patrie, fut entierement anéanti. Ils sont connus aujourd’hui sous le nom de presbytériens, & quoiqu’ils n’admettent ni l’hiérarchie épiscopale, ni le surplis, ils sont maintenant sujets paisibles d’un état que leurs prédécesseurs ont ébranlé.