L’Encyclopédie/1re édition/PORT
PORT, (Botan.) en latin plantæ facies exterior ; on se sert de ce mot en parlant des plantes, dans le même sens qu’on emploie celui d’air, en parlant des animaux. On dit, cette plante a le port de la ciguë, approche de l’angélique par son port, & non pas cette plante a l’air de la ciguë ou de l’angélique. Le port ne résulte pas de la structure de quelques parties d’une plante, mais plutôt du tout ensemble.
Port, s. m. (Marine.) c’est un poste de mer proche des terres, destiné au mouillage des vaisseaux, & qui y est plus ou moins propre, selon qu’il a plus ou moins de fond & d’abri.
Port de havre, havre d’entrée, havre de toute marée, ce sont ceux où les vaisseaux peuvent entrer en tout tems, y ayant toujours assez de fond. Voyez Marée.
Port brute, havre brute, c’est celui qui est fait sans art & sans artifice.
Port de barre, havre de barre, ce sont les ports où les vaisseaux ont besoin du flot & de la haute marée pour y entrer, parce qu’ils ne sont pas assez profonds, ou parce que l’entrée en est fermée par quelques bancs de sable ou de roches. Il y a une infinité de semblables ports sur l’Océan. Voyez Barre. C’est un port de barre, l’entrée en est fermée par un banc, on n’y peut entrer que pendant le vif de l’eau.
Port à l’abri par les montagnes qui l’environnent, avoir un port sous le vent ; on dit avoir un port sous le vent, pour dire, avoir un lieu de retraite dans le besoin.
Entrer dans le port, fermer les ports ou ports fermés, c’est empêcher la sortie de tous les bâtimens qui y sont. Quand le roi de France veut faire un enrôlement de matelots pour servir sur ses vaisseaux, il ordonne la clôture des ports, afin de faire une revue des matelots, & de choisir ceux qui sont capables de service. On a permis l’ouverture des ports après un mois de clôture. Fermer un port avec des chaînes, des barres & des bateaux. Conduire heureusement dans le port.
Port, ce mot se dit aussi de certains lieux sur les rivieres, où les bâtimens qui abordent, se chargent & se déchargent.
Port d’un vaisseau, portée, ce mot se prend pour exprimer la capacité des vaisseaux, ce que l’on spécifie par le nombre de tonneaux que le vaisseau peut contenir : ainsi on dit qu’un vaisseau est du port de deux cens tonneaux, pour dire que sa capacité est telle qu’il pourroit porter une charge de quatre cens mille livres, parce que chaque tonneau est pris pour un poids de deux mille livres. On compte qu’un tel vaisseau chargé de deux cens tonneaux occupe, en enfonçant, un espace qui contiendroit deux cens tonneaux d’eau de mer. Suivant l’ordonnance, il n’est réputé y avoir erreur en la déclaration de la portée du vaisseau, si elle n’est au-dessus de la quarantieme.
Port, (Géog. anc. & mod.) petit golfe, ance, avance, enfoncement d’une côte de mer, qui entre dans les terres où les vaisseaux peuvent faire leur décharge, prendre leur chargement, éviter les tempêtes, & qui est plus ou moins propre au mouillage, selon que le lieu a plus ou moins de fonds & d’abri. Ce mot port vient du latin portus, & répond au λίμνη des Grecs : les Italiens disent porto & porticello, si le lieu est petit ; & les Espagnols écrivent puerto ; c’est ce que les Allemands entendent par leur mot meerhaffen, & les Anglois & les Hollandois par celui de haven, d’où les François ont fait leur mot havre, qui veut dire la même chose que port.
Comme les vaisseaux ne peuvent pas aborder indifféremment à toutes les côtes, parce qu’elles sont ou trop hautes, ou que la mer qui les lave est trop basse pour porter des bâtimens, parce qu’elles sont garnies d’écueils, ou parce qu’elles sont trop exposées à la fureur des vents ; on a donné le nom de port aux endroits où ces difficultés ne se rencontrent pas, & où les navires peuvent facilement arriver, décharger & demeurer. C’est sur la connoissance de ces ports, & sur celles de la route des vents qui y peuvent porter les vaisseaux, qu’est fondée ce que nous appellons la carte marine, & cette connoissance fait aussi une des parties les plus essentielles de la Géographie.
La figure des ports, comme on a pu le voir par la définition que j’en ai donnée, est ordinairement en forme de petit golfe, d’anse, ou d’enfoncement, & la côte est communément bordée, en tout ou en partie, de montagnes ou de collines qui mettent les vaisseaux à l’abri des vents. La nature a donné elle-même quelques-uns de ces avantages à certains ports : c’est l’industrie des hommes qui les a perfectionnés dans d’autres, ou même qui les leur a entierement donnés. Sur les cartes, pour connoître un port, & la sûreté qu’il y a d’y mouiller, on représente ordinairement la figure d’une ancre.
On donne le nom de port aux places maritimes qui ont des endroits sûrs pour la retraite des vaisseaux, qui y peuvent outre cela charger & décharger leurs marchandises. On les donne aussi aux lieux qui sont destinés pour y construire des vaisseaux, ou pour les y conserver. On le donne encore à quelques places situées sur des rivieres, où il y a des ports, comme celui de la Seine à Rouen, celui de la Garonne à Bordeaux, celui de la Tamise à Londres, celui de l’Elbe à Hambourg, & tant d’autres. Enfin le mot port se prend en divers sens, qui en marquent les avantages ou les inconvéniens. Ainsi,
Le port, ou havre de barre, est un port dont l’entrée est fermée par un banc de roches ou de sable, dans lequel on ne peut entrer que de pleine mer.
Le port de havre, ou de toute marée, est celui où les vaisseaux peuvent entrer en tout tems, y ayant toujours assez de fond.
Le port, ou havre brute, est celui qui est fait par la nature, & auquel l’art n’a en rien contribué. Les Américains donnent le nom de cul-de-sac à ces sortes de ports.
On distingue généralement les ports en naturels & artificiels. Entre les ports naturels il s’en trouve de retirés ou enfoncés dans le rivage en forme d’amphithéatre, propres à mettre en sûreté les navires qui s’y retirent contre l’impétuosité des vents & orages. Les autres anticipent dans la mer, & s’avancent en forme de croissant, dont les cornes recourbées laissent une ouverture propre à recevoir les vaisseaux.
Thucydide a remarqué que la ville d’Athènes avoit trois ports naturels, aussi bien faits que s’ils eussent été construits par l’industrie des hommes pour leur sûreté & leur commodité. Tel étoit anciennement le port de Carthage la neuve, ville d’Espagne sur la Méditerranée. Ce port étoit le plus assûré de toute l’Espagne, & capable de contenir les plus grandes flottes. Tite-Live le décrit au XXVI. livre de son histoire. C’est sur le modele de ce port que Ludovicus Nonnius, médecin espagnol, dit que Virgile l’a dépeint dans son premier livre de l’Enéïde par ces mots :
Est in secessu longo locus, insula portum
Efficit objectu laterum quibus omnis ab alto
Frangitur, inque sinus scindit sese unda reductos.
Hinc atque hinc vastæ rupes, geminique minantur
In cœlum scopuli, quorum sub vertice latè
Æquora tuta silent.
« On voit dans le fond une baye assez profonde, & à son entrée une isle, qui met les vaisseaux à l’abri des vents, & forme un port naturel. Les flots de la mer se brisent contre les rivages de cette isle. A droite & à gauche sont des vastes rochers, dont deux semblent toucher le ciel, & entretiennent le calme dans ce port. »
Il y a d’autres ports naturels qui par l’industrie & le travail des hommes sont devenus beaux, sûrs, & de facile abord. Tels sont presque tous ceux mentionnés dans l’histoire de Strabon, Pline, & d’autres auteurs des livres de Géographie. Les Grecs & les Latins appellent ces ports catones ou cotones, suivant le témoignage de Festus, qui dit catones seu cotones appellantur portus in mari tutiores arte & manu facti. Tel étoit le port de la ville de Carthage en Afrique, par lequel Scipion commença d’y mettre le siege, au rapport d’Appian, qui dit, ineunte deinde vere, Scipio Byrsam simul & portum, quem cotonem vocant, agressus est. Strabon, parlant de la ville de Pouzzole près de Naples, dit qu’elle étoit devenue avec le tems une riche cité, à cause du trafic facilité par les havres & les ports que les habitans y avoient faits. Urbs autem amplissimum factum est emporium, manufactos cotones & stationes habens. On perfectionne les ports naturels par des moles, des jettées, & par des défenses qui les mettent à couvert de l’ennemi.
Au défaut des ports naturels, les souverains peuvent faire construire des ports artificiels, soit pour augmenter le négoce établi chez eux, soit pour l’y attirer, en pourvoyant par ce moyen à la sureté des vaisseaux qui y aborderont. (Le Chevalier de Jaucourt.)
Ports antiques, (Archit. antiq.) les ports les plus recommandables dans l’antiquité sont ceux de Tyr, de Carthage, de Micenes, d’Alexandrie, de Syracuse, de Rhodes, de Messine. Nous nous bornerons à donner une idée succinte des ports de Tyr & de Syracuse, pour qu’on puisse juger quel étoit le goût des anciens en ce genre.
Il y avoit deux ports à Tyr. Le plus grand étoit presque ovale, & contenoit plus de 500 bâtimens. Il étoit situé au nord de la ville qui le couvroit des vents du midi. Au côté opposé étoit une petite île de rochers qui lui rompoit la mer ; & au levant il avoit la côte de Phénicie, où il étoit abrié par les montagnes du Liban.
Deux moles fondés à pierres perdues à la profondeur de 25 à 30 piés d’eau, dirigés en portion de cercle & s’étendant dans la mer, formoient l’entrée de ce port. Un troisieme mole couvroit l’entrée, & en la garantissant de l’impétuosité des vagues, abrioit les vaisseaux. Deux tours fort élevées, situées aux têtes de ce mole, & sur les extrémités des deux premiers, servoient à défendre les deux embouchures que ces moles formoient, & on y allumoit des fanaux pour indiquer pendant la nuit aux navigateurs, la route qu’ils devoient tenir pour y entrer.
Le second port de Tyr destiné pour les vaisseaux marchands, n’a rien de remarquable que son entrée qui étoit décorée d’une magnifique architecture, & couverte d’un mole avancé pour empêcher que les vent du midi n’en rendissent l’accès difficile.
Le port de Syracuse a été aussi un port très-célebre. Il avoit 10600 toises du nord au sud, & environ 1600 de l’est à l’ouest. La ville l’abrioit du côté du nord, des montagnes du côté du sud & au couchant, & il étoit couvert du côté de la mer par le promontoire Plemmyre & par l’île d’Ortigie.
Les curieux trouveront la description des autres ports dans l’Hydrographie du P. Fournier, & dans l’architecture hydraulique de M. Bélidor, & ils verront aussi les ports de Toulon, de Marseille, d’Antibes, & autres des modernes. (D. J.)
Port, (Littérat. grecq.) la plupart des mots dont les Grecs se servent pour exprimer un port & ses dépendances, λιμὴν, ὅρμος, ναύσταθμος, νεώρια, νεώσοικος, στόμα, μυχὸς, οὐροὶ, &c. mots qu’il ne faut pas confondre ensemble.
Λιμὴν est proprement le port ; ὅρμος, est tout lieu où les vaisseaux sont à l’ancre ; ὁμὸς, quasi, ἕρμα, fulcrum stabilimentum ; mais on se sert aussi de ce mot pour signifier port en général.
Ναύσταθμος, navale, est le lieu du port où sont les vaisseaux, ὁποῦ νῆες ἑστήκασι. Aussi Eustathe appelle ναύσταθμον, une assemblée, un amas de vaisseaux. Il est vrai que les Latins appelloient encore navalia, les lieux où l’on construisoit les vaisseaux ; & c’est par cette raison que les navalia se nommoient aussi textrina : car selon la remarque de Gronovius, texere est le mot propre pour signifier construire un vaisseau.
Νεωρία & νεώσοικος, signifient une même chose, savoir de petites loges que l’on bâtissoit dans le port, & où l’on mettoit les vaisseaux à couvert : chacune de ces petites loges contenoit un vaisseau, & quelquefois deux. Homere appelle cette sorte de petites loges ἐπίστιον, ioniquement pour ἐφέστιον.
Il faut remarquer que ναύσταθμος differe de νεώριον & de νεώσοικος, comme le tout de la partie ; car νεώριον ou νεώσοικος, n’est autre chose qu’une petite loge de vaisseau, & ναύσταθμος est l’assemblage de toutes ces petites loges : quelques intrepretes s’y sont trompés.
Στόμα est l’entrée du port. Les Latins la nomment ostium : ante ostium portûs acie instructâ steterunt, dit Tite-Live. Leur flote rangée en bataille, se présenta à l’entrée du port. Et Virgile dans le premier livre de l’Enéide : aut portum tenet, aut plenis subit ostia velis. Votre flote est dans le port, ou du moins elle y entre à pleines voiles.
Μυχὸς est l’endroit du port le plus enfoncé dans les terres, & où par conséquent les vaisseaux sont le plus à couvert de toute insulte.
Οὐροὶ étoient les canaux par où l’on tiroit les vaisseaux de leurs loges, pour les mettre en mer.
Ces sortes de remarques d’érudition ont leur utilité pour l’intelligence des auteurs, & prouvent en même tems la richesse de la langue grecque. (D. J.)
Port, fermer un, (Police marit.) c’est empêcher que les vaisseaux qui y sont n’en sortent, ou que ceux qui y viennent de dehors n’y entrent. Quelquefois les ports ne sont fermés que pour l’entrée, & quelquefois seulement pour la sortie. Souvent c’est raison de commerce ; plus souvent encore ce sont raisons de politique qui obligent de tenir les ports fermés.
Port, (Marine.) signifie la charge d’un vaisseau, ce qu’il peut porter. Cette charge ou port, s’évalue par tonneaux de 2000 livres pesant chaque tonneau. Aussi quand on dit, un bâtiment du port de 100 tonneaux, on entend un bâtiment capable de porter (tant en marchandises qu’en lest, munitions, armes & hommes d’équipage) cent fois 2000 livres, ou 200000 livres pesant, ou 2000 quintaux ; ce qu’on doit entendre à-proportion de ceux de 1000, & de 2000 tonneaux & au-delà, qui sont les plus grands : & qu’en fait de guerre l’on nomme vaisseaux du premier, du second rang, &c. dont le port suivant cette évaluation, passe souvent le poids de 4000000 de livres. Diction. de com.
Port de charge, c’est un port où les voituriers par eau prennent les marchandises dont ils composent la charge de leurs bateaux.
Port de décharge, qu’on nomme aussi port de vente. C’est un port où les voituriers par eau doivent conduire les marchandises chargées sur leurs bateaux pour y être vendues. Tenir port, c’est rester dans un port de décharge le tems prescrit par les ordonnances & réglemens de police. Diction. de com.
Port, s’entend encore de ce qu’il en coûte pour le salaire des crocheteurs & portefaix. J’ai payé 20 sols pour le port de ma valise.
Il se prend aussi pour les frais de voiture que l’on paye aux messagers, maîtres de carrosse, & autres voituriers, soit par eau, soit par terre.
On le dit aussi du droit taxé pour les lettres qui arrivent par les couriers des postes. Une lettre affranchie de port, ou franche de port, est celle dont le port a été payé au commis de la poste d’où elle est partie, ou qui n’étoit tenue d’aucun droit, comme sont les lettres pour les affaires du roi, qui sont envoyées des bureaux des ministres & secrétaires d’état, dont le cachet des armes & le nom mis sur l’enveloppe marquent l’affranchissement. Diction. de comm.