L’Encyclopédie/1re édition/PLANTAGENETE

PLANTAGENETE, (Hist. anc.) est un surnom qui a été donné à plusieurs anciens rois d’Angleterre, Voyez Surnom, &c.

Ce mot a fort embarrassé les critiques & les antiquaires, qui n’ont jamais pu en trouver l’origine & l’étymologie. Tout le monde convient qu’il fut donné d’abord à la maison d’Anjou, que le premier roi d’Angleterre qui le porta fut Henri II. & qu’il passa de ce roi à sa postérité jusqu’à Henri VII. pendant l’espace de plus de quatre cens ans ; mais on n’est point d’accord sur celui qui a le premier porté ce nom. Plusieurs auteurs anglois croient que Henri II. l’hérita de son pere Geoffroy V. comte d’Anjou, fils de Foulques V, roi de Jérusalem, qui mourut en 1144 ; ces auteurs prétendent que Geoffroy est le premier à qui on a donné ce nom, & que Henri II. sorti de Geoffroy par Maud, fille unique de Henri I. est le second qui l’ait porté.

Cependant Ménage soutient que Geoffroy n’a jamais eu le nom de Plantagenete ; & en effet, Jean de Bourdigné, l’ancien annaliste d’Anjou, ne l’appelle jamais ainsi ; Ménage ajoute que le premier à qui on a donné ce nom, est Geoffroy, troisieme fils de Geoffroy V ; néanmoins ce nom doit être plus ancien qu’aucun de ces princes, si ce que dit Skinner de son origine & de son étymologie, est vrai. Cet auteur raconte que la maison d’Anjou reçut ce nom d’un de ces princes, qui ayant tué son frere, pour s’emparer de ses états, s’en repentit, & fit un voyage à la Terre-Sainte pour expier son crime ; que là il se donnoit la discipline toutes les nuits, avec une verge faite de la plante appellée genêt ; ce qui le fit appeller Plantagenete.

Il est certain que notre Geoffroy fit le voyage de Jérusalem, mais il n’avoit point alors tué son frere : de plus, il ne fit point ce voyage par pénitence, mais seulement pour aller au secours de son frere Amaury : quel peut donc être ce prince de la maison d’Anjou ? Seroit-ce Foulques IV ? il est vrai que ce prince détrôna Geoffroy, son frere aîné, & le mit en prison, mais il ne le fit pas mourir : de plus, comme le rapporte Bourdigné, Geoffroy fut tiré de prison par Geoffroy V, son fils, dont nous avons déja parlé.

Il est vrai que ce Foulques fit le voyage de Jérusalem, en partie dans des vûes de pénitence ; mais Bourdigné assure que ce fut par la crainte des jugemens de Dieu & de la damnation éternelle, pour la quantité de sang chrétien qu’il avoit répandu dans ces batailles. Cet historien ajoute que Foulques fit un second voyage à Jérusalem, mais qu’il y retourna pour remercier Dieu de ses graces : de plus, ce Foulques ne fut jamais appellé Plantagenete ; ainsi le recit de Skinner paroît être une fable.

Il y a encore une autre opinion, qui, quoique commune, n’est guere mieux fondée : on croit ordinairement que tous les princes de la maison d’Anjou, depuis Geoffroy V, ont eu le nom de Plantagenete, au lieu que ce nom n’a été porté que par très-peu de ces princes, qu’il servoit à distinguer des autres. Bourdigné ne le donne jamais qu’au troisieme fils de Geoffroy V, & le distingue par ce surnom des autres princes de la même famille ; cependant il est certain que ce nom fut aussi donné à Henri II, roi d’Angleterre, son frere aîné.