L’Encyclopédie/1re édition/PITIÉ

◄  PITHOM
PITINUM  ►

PITIÉ, (Morale.) c’est un sentiment naturel de l’ame, qu’on éprouve à la vue des personnes qui souffrent ou qui sont dans la misere. Il n’est pas vrai que la pitié doive son origine à la réflexion, que nous sommes tous sujets aux mêmes accidens, parce que c’est une passion que les enfans & que les personnes incapables de réfléchir sur leur état ou sur l’avenir, sentent avec le plus de vivacité. Aussi devons-nous beaucoup moins les actions nobles & miséricordieuses à la Philosophie qu’à la bonté du cœur. Rien ne fait tant d’honneur à l’humanité que ce généreux sentiment ; c’est de tous les mouvemens de l’ame le plus doux & le plus délicieux dans ses effets. Tout ce que l’éloquence a de plus tendre & de plus touchant, doit être employé pour l’émouvoir.

« La main du printems couvre la terre de fleurs, dit le bramine inspiré. Telle est à l’égard des fils de l’infortune la pitié sensible & bienfaisante. Elle essuie leurs larmes, elle adoucit leurs peines. Vois cette plante surchargée de rosée ; les gouttes qui en tombent donnent la vie à tout ce qui est autour d’elle : elles sont moins douces que les pleurs de la compassion.

» Ce pauvre traîne sa misere de lieu en lieu ; il n’a ni vêtement, ni demeure, mets-le à l’abri sous les aîles de la pitié ; il transit de froid, réchauffe-le ; il est accablé de langueur, ranime ses forces, prolonge ses jours, afin que ton ame vive. » (D. J.)