L’Encyclopédie/1re édition/PIONNIER

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PIONNIER, s. m. (Art milit.) celui qui est employé à l’armée pour applanir les chemins, en faciliter le passage à l’artillerie, creuser des lignes & des tranchées, & faire tous les autres travaux de cette espece où il s’agit de remuer des terres. Il y a des officiers généraux qui veulent avoir un nombre prodigieux de pionniers pour faire la clôture d’un camp, les tranchées d’un siége, l’accommodement des chemins, en un mot, pour ôter toutes fonctions aux soldats de travailler à la terre, parce que, disent-ils, ceux d’aujourd’hui ne peuvent être assujettis à de tels travaux, comme les anciens Romains. Ils ajoutent encore, pour soutenir leur opinion, que le soldat, quand il arrive au quartier, est assez harassé, sans l’employer de nouveau à remuer la terre. Il est à craindre qu’en portant trop loin ce système, on ne vienne à gâter les soldats, en les épargnant trop & mal-à-propos. Il faut leur procurer des vêtemens, avoir grand soin d’eux dans les maladies, & lorsqu’ils sont blessés ; mais il faut les endurcir à la peine, & que leurs généraux leur servent d’exemple ; car si vous voulez réduire les soldats à la disette, tandis que vous regorgerez d’abondance, & à travailler, tandis que vous demeurerez dans l’oisiveté, certainement ils murmureront avec raison. Nous ne nions pas cependant qu’on ne doive avoir des pionniers pour accommoder les chemins, & faire passer l’artillerie ; mais cent pionniers suffisent à un grand équipage. Quant à la cloture du camp, le soldat est obligé de la faire, parce que ce travail lui donne le tems de se reposer & de dormir en sûreté. D’ailleurs c’est un ouvrage de trois ou quatre heures ; pour cet effet, toute l’armée doit y travailler, ou au moins la moitié, quand l’ennemi est proche. S’il falloit ne donner cette besogne qu’à des pionniers, il en faudroit dans une armée autant que de soldats : ce qui seroit le vrai moyen d’affamer tout un pays, & d’augmenter l’embarras qu’on ne sauroit trop diminuer. Quant aux tranchées, les pionniers n’y réussissent guere bien, & lorsque le danger croît, les plus vaillans soldats n’y sont pas de trop ; encore faut-il les animer à ce travail par un gain assuré, des promesses & des récompenses ; car nul argent n’est si bien employé que celui-là. (D. J.)