L’Encyclopédie/1re édition/PINGUICULA

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PINGUICULA, s. f. (Botan.) on appelle vulgairement en françois ce genre de plante grassette, & c’est sous ce nom qu’on en a donné les caracteres d’après Tournefort ; les voici maintenant dans le système de Linnæus.

Le calice est une enveloppe labiée, qui subsiste après la chûte de la fleur ; sa levre supérieure est droite & fendue en trois ; sa levre inférieure est recourbée & fendue en deux ; la fleur est labiée & monopétale ; sa grande levre est droite, obtuse, fendue en trois ; sa petite levre est fendue en deux, & plus ouverte ; le nectarium a la figure d’une cornue ; les étamines sont deux filets cylindriques, crochus, panchés dans le haut, & plus courts que le calice. Les bossettes des étamines sont arrondies ; le pistil a le germe sphérique, le stile très-court, & le stigmat composé de deux levres. Le fruit est une capsule ovoïde qui s’ouvre naturellement au sommet, & qui contient une seule loge pleine d’un grand nombre de semences cylindriques qui y sont placées à l’aise.

Tournefort distingue quatre especes de ce genre de plante, la commune, la blanche, la pourprée, & la petite à fleurs couleur de rose.

La commune est nommée proprement grassette en françois ; en anglois the common batter-wort, ou mountain-sanicle ; & par les Botanistes, sanicula montana, flore calcari donato.

Ses feuilles, qui sont en petit nombre, sont couchées sur terre, grasses au toucher, extrèmement luisantes, & d’un jaune tirant sur le verd pâle. Il s’éleve d’entre elles des pédicules, dont chacun soutient à son sommet une fleur purpurine, violette ou blanche, semblable à quelques égards à celles de la violette, mais d’une seule piece, terminée par un long éperon. Quand la fleur est passée il lui succede une coque enveloppée du calice dans sa partie inférieure ; cette coque s’ouvre en deux, & laisse voir un bouton renfermant plusieurs semences menues, presque rondes.

La grassette montagneuse croît sur les collines arrosées d’eau, ainsi que dans les lieux humides ; elle est vivace, se multiplie de graines sans être cultivée, fleurit au printems, & passe vîte. Elle est réputée vulnéraire & consolidante. Le sac onctueux & adoucissant qu’on en exprime sert d’un très-bon liniment pour les gersures des mamelles. La graisse de ses feuilles est aussi singuliere que celle du rossolis. Les Lapones versent par-dessus les feuilles fraîches de cette plante, le lait de leurs rennes tout chaud, après quoi elles le laissent reposer pendant un jour ou deux ; le lait en acquiert plus de consistance, sans que la sérosité s’en sépare, & sans le rendre moins agréable au goût : les paysannes en Danemarck se servent du suc gras de cette plante en guise de pommade, pour faire tenir la frisure de leurs cheveux. (D. J.)