L’Encyclopédie/1re édition/PIÉTÉ

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PIÉTÉ, DÉVOTION, RELIGION, (Synon.) le mot de religion dans un sens, en tant qu’il marque une disposition de cœur à l’égard de nos devoirs envers Dieu, est seulement synonyme avec les deux autres mots ; la piété fait qu’on s’en acquitte avec plus de respect & plus de zèle ; la dévotion y porte un extérieur plus composé.

C’est assez pour une personne du monde d’avoir de la religion ; la piété convient aux personnes qui se piquent de vertu ; la dévotion est le partage des gens entierement retirés.

La religion est plus dans le cœur qu’elle ne paroît au-dehors. La piété est dans le cœur, & paroît au dehors. La dévotion paroît quelquefois au-dehors sans être dans le cœur. Girard.

Piété, promesse faite à la, (Théologie.) S. Paul dit en termes exprès I. Thimoth. iv. 8. « que la piété a les promesses de la vie présente, comme de celle qui est à venir » : Pour avoir des justes idées de ce que cet apôtre a voulu dire, il convient de 1. déterminer quelles sont les promesses dont il parle. 2. concilier son assertion avec l’expérience.

I. Sur le premier article, il faut observer d’abord qu’il s’agit de promesses proprement dites, de déclarations formelles émanées de Dieu. Le tour des expressions de S. Paul ne permet guere d’en douter. Il parle des promesses de la vie à venir, & l’on ne peut contester qu’il n’entende pas là l’engagement que Dieu a pris par des promesses expresses de rendre les gens de bien heureux dans la vie à venir. On doit par les promesses de la vie présente, entendre aussi des déclarations précises en forme d’engagement, qui regardent la vie présente, & qui promettent des avantages dans l’économie du tems.

Ce n’est pas tout-à-fait prouver la thèse de S. Paul, que de faire valoir les avantages que la piété est capable de procurer, à la considerer en elle-même & dans sa nature ; il semble que l’apôtre parle encore de promesses temporelles, différentes même des biens de la grace. Seroit-il ici question de tout ce qui peut rendre l’homme heureux dans ce monde ? mais l’expérience démentiroit la décision de S. Paul, à la prendre en ce sens. On pourroit dire, pour mieux expliquer les paroles de l’apôtre, qu’il portoit ses vues : 1°. Sur les promesses faites à la piété dans l’ancien Testament, non sur toutes, mais sur celles qui regardent les fideles, en tant que tels en particulier. 2°. Sur les promesses faites dans l’évangile, par lesquelles celles de l’ancienne économie ont été confirmées.

Il ne s’agit pas, dans ces promesses, de grandeurs, de richesses, & d’autres biens de cet ordre ; c’est ce que Dieu n’a promis ni sous la loi, ni sous l’Evangile. Les promesses dont il s’agit sont celles par lesquelles Dieu se propose de protéger les fideles, de pourvoir à leurs besoins, & de les soutenir dans les traverses de la vie. C’est ce que S. Paul indique lui-même dans le v. 10. où il dit que Dieu est le conservateur de tous les hommes, mais principalement des fideles. Ce qui prouve encore que sa pensée ne porte que sur cette protection spéciale, sur laquelle les gens de bien peuvent compter, c’est qu’on voit regner le même principe en d’autres endroits de ses écrits. Philipp. c. iv. v. 6. « Ne soyez en inquiétude de rien ; mais en toutes choses, présentez à Dieu vos demandes par des prieres & des supplications, avec action de grace. Hebr. c. xiij. v. 5. 6. Que vos mœurs soient sans avarice, étant contens de ce que vous possédez présentement ; car Dieu lui-même a dit : je ne te délaisserai point, & ne t’abandonnerai point : tellement que nous pouvons dire avec assurance : le seigneur est mon aide, ainsi je ne craindrai point ce que l’homme me pourroit faire ». Il est évident que dans ce dernier passage S. Paul veut que les chrétiens envisagent les promesses de l’ancien Testament, qu’il cite comme des promesses qui le regardent directement. Le Sauveur lui-même (S. Matth. c. vj. v. 25. 34.) veut que ses disciples n’attendent de Dieu que sa protection, & les choses nécessaires à leur entretien ; il ne leur promet rien au-delà.

Quand donc S. Paul dit que la piété a les promesses de la vie présente, il entend par-là que Dieu a promis sa benédiction sur les besoins essentiels des fideles, & sur les soins légitimes qu’ils prendront pour subsister, outre qu’il leur accordera le don d’être contens dans les differentes situations où ils pourront se trouver.

Qu’on n’objecte donc plus qu’on voit communément des gens de bien malheureux ; le bonheur ne consiste point dans la possession des grandeurs, des richesses, & de la prospérité extérieure ; ce n’est pas ce que Dieu a promis aux fideles ; ainsi il ne manque pas à ses promesses, en ne leur accordant point ces sortes d’avantages ; cette prospérité extérieure est souvent fort trompeuse, & n’est rien moins que durable ; mais l’homme de bien est protégé de Dieu, à proportion du besoin qu’il a de son secours ; la confiance qu’il a dans l’Etre suprême, & la paix intérieure dont il jouit, le consolent dans les traverses qu’il éprouve, & c’est en cela que la piété a les promesses de la vie présente. Cette piété ne met point obstacle à la prospérité temporelle du fidele, & si elle lui nuit dans certain cas aux yeux des hommes, ces cas entrent dans la classe ordinaire des événemens dont Dieu n’a pas promis de changer le cours. (D. J.)

Piété, (Philosophie payenne.) quoiqu’Aristote ait rapporté le culte de la divinité à la seule magnificence des temples, & que la religion ne soit entrée pour rien dans son système de morale ; il paroît que plusieurs autres sages ont fait consister la piété dans les sentimens intérieurs, & non pas dans les actes extérieurs de la dévotion ; je n’en citerai pour preuve que ce beau passage de Cicéron, tiré de son livre de la nature des dieux, liv. II. ch. xxviij. Cultus autem deorum est optimus, idemque castissimus, atque sanctissimus, plenissimusque pietatis, eos semper purâ integrâ, incorruptâ, & voce, & mente, veneremur. Non enim philosophi solum, verùm etiam majores nostri, superstitionem à religione separaverunt. « La meilleure maniere de servir les dieux, le culte le plus pur, le plus saint, le plus pieux, c’est de les honorer toujours avec des sentimens & des discours purs, sinceres, droits & incorruptibles : ce ne sont pas seulement les Philosophes qui ont distingué la piété d’avec la superstition ; nos ancêtres ont aussi connu cette difference ». Séneque, Epictete, & quelques autres sages, ont tenu les mêmes discours. (D. J.)

Piété, (Mythol. Littérat. Monumens, Médailles.) cette vertu, que les Grecs appelloient Eusebie, fut déifiée par les anciens, qui l’honorerent comme déesse. Stace l’invoque dans une de ses pieces :

Summa Deum pietas, &c.


Nous voyons souvent son image sur les monumens de l’antiquité. Ils entendoient par la piété non-seulement la dévotion des hommes envers les dieux, & le respect des enfans pour leurs peres, mais aussi certaines actions pieuses des hommes envers leurs semblables. Il est peu de gens qui n’affectent cette bonne qualité, lors même qu’ils ne l’ont pas. Tous les empereurs se faisoient appeller pieux, les plus impies & les plus cruels comme les autres.

La Piété étoit représentée comme une femme assise, ayant la tête couverte d’un grand voile, tenant de la main droite un timon, & de la main gauche une corne d’abondance. Elle avoit devant ses piés une cigogne, qui est le symbole de la Piété, à cause du grand amour de cet oiseau pour ses petits. C’est pour cela que Pétrone appelle la cigogne Pietatis cultrix amatrice de la Piété. La Piété est quelquefois désignée sur des médailles par d’autres symboles, tantôt par un temple, ou par les instrumens des sacrifices ; tantôt par deux femmes qui se donnent la main sur un autel flamboyant.

Il ne faut pas oublier ici le temple bâti dans Rome à la Piété par Acilius, en mémoire de cette belle action d’une fille envers sa mere. Voici comme Valere-Maxime raconte la chose. Une femme de condition libre, convaincue d’un crime capital, avoit été condamnée par le préteur, & livrée à un triumvir pour être exécutée dans la prison. Celui-ci n’osant poser ses mains sur cette criminelle, qui lui paroissoit digne de compassion, résolut de la laisser mourir de faim, sans autre supplice. Il permit même à une fille qu’elle avoit d’entrer dans la prison ; mais avec cette précaution, qu’il la faisoit fouiller exactement, de peur qu’elle ne portât à sa mere de quoi vivre. Plusieurs jours se passent, & la femme est toujours en vie : le triumvir étonné observa la fille, & découvrit qu’elle donnoit à teter à sa mere. Il alla aussi-tôt rendre compte au préteur d’une chose si extraordinaire : le préteur en fit son rapport aux juges, qui firent grace à la criminelle. Il fut même ordonné que la prison seroit changée en un temple consacré à la Piété, selon Pline, & les deux femmes furent nourries aux dépens du public. Les Peintres ont suivi cette tradition dans les tableaux où ils ont représenté cette histoire, qu’on appelle communément des charités romaines.

Festus, & quelques autres historiens, mettent un pere au lieu d’une mere dans l’anecdote qu’on vient de lire ; mais cette circonstance ne change rien au fait. Ce temple-ci étoit dans le marché aux herbes : Pline parle d’un autre temple consacré à la Piété, & situé dans le neuvieme quartier près du théâtre de Marcellus. Nardini doute si ces deux temples ne sont pas le même. Ce qui est certain, c’est qu’elle avoit divers temples & statues dans les provinces.

Nous avons dans Boissard une statue de femme vétue de la stole, coëffée en cheveux, à la maniere de Matidie. Elle est de bout ; sa main droite est appliquée sur sa poitrine. De la gauche elle tient un pan de sa robe. Devant elle est un autel sur lequel est une préféricule & une patere. Au bas sont gravés ces deux mots, Pietati Augustæ.

Elle est aussi quelquefois représentée sous la figure d’une femme nue, tenant un oiseau dans sa main.

Dans les Miscellanès de Spon se trouve une inscription à la Piété d’Hadrien. Il y en a quatre autres dans Grutter. (D. J.)

Piété, s. f. (Ornithol.) en latin phalaris. Cet oiseau est fort commun dans le Soissonnois & le Beauvoisis ; il est plus grand qu’une cercelle, & moindre qu’un morillon : il y en a quelquefois de toutes blanches, & d’autres qui ont du noir dans le champ de leur pennage ; mais leur couleur la plus commune, est d’avoir le dessous de la gorge & du ventre tout blanc, & le dessus du corps noir ; les aîles comme celles d’une pie ; les piés & la queue comme celle du morillon ; son bec est rond, & n’est point vouté par-dessus ; mais il est dentelé par les bords ; elle a une hupe à l’endroit où lui commence le cou sur le derriere de la nuque. (D. J.)

Piété, s. f. (Blason.) On se sert de ce terme dans le blason, pour signifier les petits d’un pélican, qui s’ouvre le sein pour les nourrir de son sang. Les le Camus de Paris, originaires de Poitou, portent dans leurs armes un pélican avec sa piété, le tout de gueule. Ménétrier. (D. J.)

Piété, monts de, Voyez l’article Monts de piété.