L’Encyclopédie/1re édition/PHIOLE

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PHIOLE, s. f. (Gramm.) c’est une petite bouteille de verre mince. Voyez. Ce mot est formé du grec φιάλη, qui signifie la même chose.

Phiole élémentaire, (Phys.) vase dans lequel on met divers solides & liquides, dont chacun se place selon sa différente gravité spécifique, de maniere que le tout représente les quatre élémens ainsi nommés vulgairement ; savoir, la terre, l’eau, l’air & le feu.

Il y a différentes manieres de faire la phiole des quatre élémens ; voici une des meilleures. Prenez de l’émail noir grossierement cassé, qui ira au fond du vaisseau de verre, & il représentera la terre. Pour l’eau, avez du tartre calciné, ou des cendres gravelées ; laissez-les à l’humidité, & prenez la dissolution qui s’en fera, & sur-tout celle qui sera la plus claire : mêlez-y un peu d’azur de roche, pour y donner la couleur d’eau de mer. Pour l’air, il faut avoir de l’eau-de-vie la plus subtile, que l’on teindra en bleu céleste avec un peu de tournesol. Enfin pour représenter le feu, prenez de l’huile de lin, ou de l’huile de térébenthine qui se fait ainsi. Distillez de la térébenthine au bain-marie, l’eau & l’huile monteront ensemble également blanches & transparentes, cependant l’huile surnagera. Il la faut séparer avec un entonnoir de verre ; ensuite teignez-la en couleur de feu, avec de l’orcanette & du safran. Si vous la distillez au sable dans une cornue, il viendra de la térébenthine restée au fonds de l’alembic, une huile épaisse & rouge, qui est un très-excellent baume. Toutes ces matieres sont tellement différentes en poids & en figures, que quand on les brouille par quelque violente agitation, on voit à la vérité pour un peu de tems un vrai cahos, & une confusion telle, qu’on s’imagineroit que tous les petits corps de ces liqueurs sont pêle-mêle, sans aucun rang ; mais à peine a-t-on cessé d’agiter ces substances, qu’on voit chacune retourner en son lieu naturel, & tous les corpuscules d’un même ordre s’unir pour composer un volume séparé absolument des autres. Cette expérience fait donc voir, comment les corpuscules les plus légers cedent aux plus pesans, & passent réciproquement entre les pores les uns des autres, pour aller prendre leur place naturelle. La différente figure empêche tellement que les corps qu’on mêle ne se confondent, & que quelqu’inséparables qu’ils paroissent les uns des autres dans le mêlange qu’on en fait, ils ne laissent pas de se démêler ; de maniere que si on met de l’eau dans du vin, on peut en retirer l’eau assez facilement. Il ne faut qu’avoir une tasse faite d’un tronc de lierre, on y verse le vin & l’eau mêlés ; à peine sont-ils dedans, que l’eau passe, se filtre au-travers des pores de la tasse, & laisse le vin qui ne peut passer, parce que la figure de ses corpuscules n’a point de proportion avec les interstices qui sont dans le bois de lierre ; c’est ainsi enfin qu’il y a des fleuves qui conservent leur cours, & même la douceur de leurs eaux durant plusieurs lieues, après être entres dans la mer. Article de M. Formey.