L’Encyclopédie/1re édition/PHILOMELE

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PHILOMELE, s. f. (Mythol.) les Mythologues ont parlé de Progné & de Philomele d’une maniere très-peu uniforme. L’opinion généralement reçue par les modernes, est que Progné fut changée en hirondelle, & Philomele en rossignol, & c’est aussi le sentiment de quelques anciens ; cependant d’autres, en grand nombre, ont dit le contraire. Homere, par exemple, au XIX. livre de l’odyssée ; Aristophane & son scholiaste, dans la comédie des oiseaux ; Anacréon, dans sa xij. ode ; Ovide, dans l’épître de Sapho ; & Varron, au IV. livre de la langue latine. Ce contraste forme une double tradition fabuleuse, & met les Poëtes en droit de choisir. Virgile a fait plus, car il a suivi tantôt l’une & tantôt l’autre tradition ; dans la vj. bucolique il change Philomele en hirondelle, & au IV. liv. de ses géorgiques, il en fait un rossignol.

On sait que Progné & Philomele étoient deux sœurs extrèmement belles, & filles de Pandion. Térée, roi de Thrace, épousa Progné, & se livra à la brutalité de sa passion pour Philomele, après l’avoir conduite dans un bois écarté. Ovide vous dira les suites de cette déplorable avanture ; le changement de Philomele en rossignol, de Progné en hirondelle, & de Térée en huppe. Il semble que la Mythologie par ces métamorphoses, ait voulu peindre le caractere de ces différentes personnes ; mais la Fontaine en adoptant la Fable, a sçu en tirer un parti bien plus heureux dans la réflexion fine & judicieuse qu’il prête à Philomele. Progné la trouvant enfin dans un séjour solitaire, lui dit :


Venez faire aux cités éclater leurs merveilles ;
Aussi-bien en voyant les bois,
Sans cesse il vous souvient que Térée autrefois
Parmi des demeures pareilles,
Exerça sa fureur sur vos divins appas.
Eh ! c’est le souvenir d’un si cruel outrage
Qui fait, reprit sa sœur, que je ne vous suis pas ;
En voyant les hommes, helas !
Il m’en souvient bien davantage.

(D. J.)