L’Encyclopédie/1re édition/PHAROS

◄  PHARODENI
PHARPHAR  ►

PHAROS, (Géog. anc.) île d’Egypte, vis-à-vis d’Alexandrie ; je dis île, parce que Pharos étoit au commencement une véritable île à sept stades de la terre-ferme, & on n’y pouvoit aller que par eau ; mais ensuite on la joignit au continent par une chaussée, comme cela s’étoit fait à Tyr : cette chaussée fut appellée l’heptaslade, à cause des sept stades qu’elle avoit de longueur.

Cet ouvrage ordonné par Ptolemée Philadelphe I. & non par Cléopâtre, comme le dit Ammien Marcellin, fut exécuté l’an 284 avant Jesus-Christ, à-peu-près en même tems que la tour du phare, par Deiphanès, pere de Sostrate ; & sans doute que ce ne fut pas le plus facile des deux ouvrages. Ainsi, pour les distinguer quand on parle de la peninsule, on dit l’île ou la peninsule de Pharos ; & quand on parle du fanal ou du phare qui étoit dans Pharos, on dit simplement le phare.

L’île de Pharos avoit un promontoire ou une roche, contre laquelle les flots de la mer se brisoient. Ce fut sur cette roche que Ptolémée Philadelphe I. fit bâtir de pierre blanche la tour du phare, ouvrage d’une magnificence surprenante, à plusieurs étages voûtés, à-peu-près comme la tour de Babylone, qui étoit à huit étages, ou, comme Hérodote s’exprime, à huit tours l’une sur l’autre.

L’extraordinaire hauteur de cette tout faisoit paroître comme une lune le feu qu’on allumoit au-dessus ; c’est ce qui fait dire à Stace :

Lumina noctivagæ tollit Pharos æmula lunæ

Le géographe de Nubie, qui écrivoit il y a environ 600 ans, parle de la tour du phare comme d’un édifice qui subsistoit encore de son tems. Un scholiaste de Lucien, manuscrit, cité par Isaac Vossius, dit que cette tour étoit quarrée, & que ses côtés avoient près d’un stade de long.

Tous les anciens auteurs ont parlé de l’île de Pharos. Voyez César, comment. de bell. civ. c. iij. Strabon, l. XVII. p. 792. Pomponius Mela, l, II. c. vij. Pline, L. V. c. xj. & l. XIII. c. xij. Ce dernier lui donne le titre de colonie de Jules-César.

Homere a bien chagriné ses admirateurs, en faisant dire à Ménélas, dans l’Odyssée, liv. IV. vers 355, que l’île de Pharos est éloignée d’une journée de l’Egypte, ἀιγύπτου. Plusieurs critiques ont accusé le poëte grec d’une énorme bévûe ; mais d’autres leur ont répondu que le mot Ægyptus désignoit ici le Nil, & qu’en effet l’île de Pharos est éloignée d’une journée de la principale embouchure du fleuve Ægyptus, qui est le Nil. Strabon eût peut-être adopté cette explication s’il y eût songé ; mais en homme d’esprit, il a entrepris de justifier son poëte favori de tout reproche d’ignorance.

« C’est, dit-il, Ménélas qui raconte ses voyages ; il use du privilege des voyageurs, il ment. D’ailleurs c’est un poëte qui le fait parler, qui savoit bien que cette distance n’étoit pas aussi considérable que le dit Ménélas, mais il veut intéresser le lecteur par le merveilleux de la fiction ».

Ortelius dit qu’on nomme aujourd’hui l’île de Pharos Farion, & qu’elle est appellée Magrah par les habitans du pays.

2o. Pharos, ou Issa-Pharos, île de la mer Adriatique, sur la côte de l’Illyrie, selon Pline, l. III. c. xxj, qui dit qu’on la nommoit auparavant Paros. Le P. Hardouin retranche cette île dans son édition de Pline ; mais c’est un retranchement bien hardi, d’autant plus que Diodore de Sicile l.XV. Strabon l. VII. p. 315. & Polybe l. V. p. 108. en font mention.

3o. Pharos, île sur la côte d’Italie, vis-à-vis de Brundusium. Pomponius Mela, l. II. c. vij. en parle, & dit qu’on l’appella Pharos, à cause du phare qui y fut élevé pour guider les vaisseaux. (D. J.)