L’Encyclopédie/1re édition/PHAESTUM

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PHAESTUM, (Géog. anc.) ou Phæstus, ville de l’île de Crete. Diodore de Sicile, liv. V. c. lxxix. dit qu’elle fut bâtie par Minos sur le bord de la mer. Strabon, l. X. p. 479. & Pline, l. IV. c. xij. la mettent dans les terres : le premier dit même qu’elle en étoit éloignée de 20 stades, & qu’elle étoit à 60 stades de Gorryna. Denis le Periégete, v. 88. confirme ce sentiment :

Juxta sacram Gortynem & Maditerraneam Phæstum.

2°. Phæstum ou Phæstus, village des Locres Ozoles selon Pline, l. IV. c. iij.

3°. Phæstum, ville de la Macédoine. Ptolomée, liv. III. c. xiij. la donne aux Estioles. C’est apparemment la même que Tite-Live l. XXXVI. c. xiij. dit qui fut prise par Bæbius.

C’est à Phæste, ville de Crete, que naquit Epiménide, suivant le témoignage de Strabon, quoique Laërce & Valere Maxime disent que cet ancien poëte & philosophe étoit de Gnosse. On sait la fable de son long sommeil, que quelques auteurs réduisent avec raison au naturel, estimant qu’il employa ce tems à voyager pour se perfectionner dans la connoissance des simples ; cependant son aventure merveilleuse ayant été répandue dans toute la Grece, chacun regarda Epiménide comme le favori des dieux. Les Athéniens étant affligés de la peste, l’oracle leur ordonna de purifier solemnellement leur ville, & ce fut Epiménide qui fit cette expiation dans la quarante-sixieme olympiade. Pausanias & Lucien en parlent fort amplement.

Cet homme sage lia une grande amitié avec Solon, & lui donna de bons avis pour l’établissement de ses lois. Laerce nous a conservé une de ses lettres que voici.

Epiménide à Solon. « Ayez bon courage, mon cher ami ; si Pisistrate avoit réduit des gens accoutumés à la servitude, peut-être que sa domination pourroit durer long-tems : mais il a à faire à des hommes libres qui ne manquent pas de cœur. Ils ne tarderont guere à se ressouvenir des préceptes de Solon ; ils auront honte de leurs chaînes, & ne souffriront pas qu’un tyran les tienne plus longtems en esclavage. Enfin quand Pisistrate resteroit le maître pendant toute sa vie, son royaume ne passera jamais à ses enfans ; car il est impossible que des gens accoutumés à vivre librement sous de bonnes lois, puissent jamais se résoudre à rester éternellement dans la servitude. Pour ce qui est de vous, je vous prie de ne point demeurer errant de côté & d’autre : dépêchez-vous de nous venir trouver en Crete, où il n’y a aucun tyran qui tourmente personne ; car je crains fort que si les amis de Pisistrate vous rencontroient dans leur chemin, ils ne vous fissent un mauvais parti ».

Les Athéniens rendirent de grands honneurs à Epimenide, & lui offrirent de riches présens qu’il refusa. Il retourna en Crete, où il mourut bien-tôt après dans un âge avancé. Il a écrit plusieurs ouvrages en vers, dont Laerce nous a conservé les titres. S. Jerome fait mention d’un de ses traités intitulé, oracles & réponses. C’est de ce traité que S. Paul, ut. I. v. 12. a cité le vers suivant :

Κρῆτες ἀεὶ ψεῦσται κακὰ θηρία γαστέρες ἀργαὶ.

Les Crétois sont menteurs, mauvais & bêtes, ventres paresseux. Les anciens s’accordent à attribuer aux Crétois le caractere que S. Paul en donne, d’après Epiménide ; car S. Chrysostome, Théodoret, & quelqu’autres peres de l’Église se sont trompés en attribuant à Callimaque le vers qu’on vient de citer.

Pausanias rapporte, in Corinthiâ, ch. xxj. qu’on voyoit à Argos devant le temple de Minerve Trompette, le tombeau d’Epiménide, & Plutarque nous apprend que ce poëte philosophe étoit mis au nombre des sept sages par ceux qui en excluoient Périandre. Laërce nomme deux autres Epiménides, l’un généalogiste, & l’autre qui écrivit en dialecte dorique un ouvrage sur l’île de Rhodes. (D. J.)