L’Encyclopédie/1re édition/PETITE-GUERRE

PETITE-GUERRE, est celle qui se fait par détachement ou par partis, dont l’objet est d’éclairer les démarches de l’ennemi, d’observer ses mouvemens, de l’incommoder ou le harceler dans toutes ses opérations, de surprendre ses convois, établir des contributions, &c. Les détachemens ou les partis qu’on envoie ainsi à la guerre sont composés de troupes légeres & des troupes régulieres, de cavalerie & d’infanterie, plus ou moins nombreuses, suivant les différentes choses qu’ils doivent exécuter. Cette guerre demande beaucoup d’intelligence & de capacité dans les officiers qui en ont le commandement. Ils doivent savoir distinguer le fort & le foible du camp & de la position de l’armée ennemie, & juger des avantages que la nature du terrein peut donner pour l’attaquer ou la surprendre, soit dans sa marche ou dans les lieux où elle doit fourrager. Il faut aussi qu’ils sachent pénétrer les desseins de l’ennemi par ses mouvemens, & qu’ils l’observent assez exactement pour n’être point trompés par de fausses manœuvres, dont l’objet seroit d’en imposer & de surprendre l’armée qui lui est opposée.

Des partis ou détachemens conduits par des officiers habiles & expérimentés sont absolument nécessaires pour la sûreté de l’armée. Un général peut par ce moyen n’être jamais surpris, parce qu’il est toujours informé à tems de tous les mouvemens & de toutes les opérations de son adversaire. Il lui rend les communications difficiles, de même que le transport des vivres & des munitions, & il trouve que le moyen d’étendre les contributions jusqu’à 30, 40, & même 50 lieues de son camp. Par le moyen des partis, on assûre aussi les marches de l’armée, & l’on empêche l’ennemi de venir les troubler ou les inquiéter.

Lorsqu’il ne s’agit que de savoir des nouvelles de l’ennemi, les petits partis sont plus commodes que les grands, parce qu’ils ont plus de facilité à se cacher & à roder avec moins d’inconvénient autour du camp ennemi, attendu la célérité avec laquelle ils peuvent s’en éloigner : ces petits partis doivent être de cavalerie. M. le maréchal de Saxe ne les vouloit point au-dessus de cinquante hommes. Ils doivent marcher par les lieux les moins fréquentés & les plus détournés, se cacher ou s’embusquer dans les bois & autres lieux fourrés de l’armée ennemie, & tâcher de faire des prisonniers. Ceux qui commandent ces partis doivent toujours se ménager une retraite assûrée, & faire ensorte de n’être point coupés & enlevés. On partage sa troupe en petits détachemens qui se soutiennent les uns & les autres, de maniere que si les premiers sont enlevés, les autres puissent se retirer.

Lorsque les partis ou les détachemens sont destinés à établir des contributions, & à forcer de petites villes, châteaux & autres lieux capables de quelque défense, on les fait plus nombreux. Leur conduite demande alors à-peu-près la même science & la même intelligence que la guerre qui se fait entre les grandes armées. Il faut veiller avec d’autant plus de soin à la conservation de sa troupe & à éviter les surprises, qu’on se trouve environné d’ennemis de toutes parts ; qu’il est important de brusquer les entreprises que l’on fait pour ne pas donner le tems à l’ennemi de rassembler des troupes pour s’y opposer, & qu’il faut beaucoup de fermeté & une grande connoissance du pays pour éluder toutes les difficultés que l’ennemi peut employer pour s’opposer à la retraite. (Q)