L’Encyclopédie/1re édition/PELLA

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PELLA, (Géog. anc.) 1o. ville de de-là le Jourdain. Pline, liv. V. ch. xviij. la met dans la Décapole, & la loue pour ses belles eaux. Elle étoit du royaume d’Agrippa, entre Jabès & Gerasa. Elle devint dans la suite des tems une des épiscopales de la seconde Palestine.

2o. Pella, ville de la Thessalie, selon Etienne le géographe, qui en met une autre dans l’Achaie, & une troisieme dans l’Ethiopie.

3o. Pella ; la plus fameuse des villes de ce nom, est celle de la Macédoine, qui devint capitale de ce royaume, après que celle d’Edesse eut cessé de l’être. Pella étoit située à 120 stades de la mer, aux confins de l’Emathie, Tite-Live, l. XLIV. c. ult. en décrit fort exactement la situation. Elle est, dit-il, sur une élévation entourée de marais, & défendue par une forteresse ; ensorte que pour l’assiéger, on ne trouvoit d’accès d’aucun côté. On ne pouvoit y entrer ni en sortir, que par un seul pont, qu’il étoit aisé de garder avec très-peu de monde. La riviere qui couloit entre la ville & la forteresse, se nommoit Lydias.

Le même historien, l. Ll. ch. xlij. nomme Pella, vetus regia Macedonum, parce qu’elle avoit toujours été la demeure des rois de Macédoine depuis Philippe, fils d’Amyntas, jusqu’à Persée. Pline, liv. IV. chap. x. lui donne le titre de colonie romaine ; & en effet, nous avons une médaille d’Auguste où elle porte ce même titre. On y lit cette inscription, col. Jul. Aug. Pell. c’est-à-dire colonia Julia Augusta Pella. Dans la suite elle déchut beaucoup de sa premiere splendeur, puisque Lucien rapporte que de son tems, ses habitans étoient pauvres, & en petit nombre. Présentement on nomme ce lieu Palatisia, comme qui diroit les petits palais.

Mais elle sera toujours célebre dans l’histoire, par la naissance de Philippe, vainqueur de la Grece, & d’Alexandre son fils, vainqueur de l’Asie, illi Pellæo qui domuit Porum. A beaucoup d’esprit, & à de grandes qualités, Philippe joignoit des foibles, des vices honteux, & de grands défauts. Jaloux du mérite de ses généraux, il affectoit de les mortifier, quand ils se signaloient par de belles actions. Arcadion avoit conçu contre lui, tant de haine, que pour ne le point voir, il s’étoit exilé volontairement. Un jour Philippe l’ayant rencontré à Delphes : « Jusqu’à quand, lui dit-il, avez-vous résolu de courir le monde ? Arcadion lui répondit par une parodie d’un vers d’Homère : « jusqu’à ce que j’aie trouvé un lieu où l’on ne connoisse point Philippe. » Le vers d’Homère est,

Εἰσόκε τοὺς ἀφίκηαι οἳ οὐκ ἴσασι θάλασσαν.

« jusqu’à ce que vous soyez arrivé chez des peuples qui ne connoissent point la mer ». Cette saillie naïve & plaisante, à laquelle le prince ne s’attendoit point, le fit rire ; il invita Arcadion à souper, & depuis ils furent toujours amis.

Un jour une femme s’avise de lui demander justice lorsqu’il sortoit d’un repas ; il la juge, & la condamne. Elle répond de sens-froid, j’en appelle. Comment, dit Philippe, de votre roi ? & à qui ? À Philippe à jeun, répliqua-t-elle. La maniere dont il reçut cette réponse, feroit honneur au roi le plus sobre. Il examine l’affaire de nouveau, reconnoît l’injustice de son jugement, & se condamne à le réparer.

Il faut mettre entre ses foibles sa sensibilité pour l’adulation ; il ne sut jamais s’en garantir ; il récompensa d’un royaume les flatteries de Thrasidée. Théopompe avoit écrit l’histoire de ce prince, dont il ne nous reste que quelques fragmens. On sait qu’après un regne de vingt-quatre ans, il fut assassiné par Pausanias au milieu de deux Alexandre, l’un son gendre, & l’autre son fils.

Celui-ci découvrit dès sa premiere jeunesse tout ce qu’il seroit un jour. Parvenu au trône de ses ancêtres, âgé de dix-huit à vingt ans, il détrompa les gens qui ne le connoissoient pas, & Démosthène même qui le traitoit d’enfant. Cet enfant lui répondit : « J’ai atteint l’adolescence dans mon passage par la Thessalie, d’où je me propose en peu de jours, d’arriver homme fait devant les murailles d’Athènès ». Ce fut bien autre chose dans la suite, quand au milieu de ses conquêtes rapides, il construisit Aléxandrie & Scanderon, rétablit Samarkande, bâtit des villes jusques dans les Indes, établit des colonies au-delà de l’Oxus, envoya dans la Grece les observations de Babylone, & changea le commerce de l’Asie, de l’Europe, & de l’Afrique, dont Alexandrie devint le magasin général. (Le chevalier de Jaucourt.)