L’Encyclopédie/1re édition/PATAVINITÉ

PATAVINITÉ, s. f. (Belles-Lettres.) Chez les critiques, c’est une faute qu’on reproche à Tite-Live, & qu’il a tirée de Padoue sa patrie, qu’on appelloit autrefois Patavium. Asinius Pollion, comme nous l’apprend Quintilien, a taxé Tite-Live de patavinité. Les critiques se sont donné des peines infinies pour découvrir en quoi consistoit cette patavinité.

Paul Beni, professeur d’Eloquence dans l’universié de Padoue, croit que ce mot doit s’entendre du penchant que cet historien avoit pour le parti de Pompée. Mais Pollio lui auroit-il reproché un penchant dont il n’étoit pas exempt lui-même ? Pignorius pense que la patavinité consiste en ce que Tite-Live a retenu l’orthographe vicieuse de ses compatriotes de Padoue, qui écrivoient sibe & quase pour sibi & quasi : ce qu’il prouve par plusieurs anciennes inscriptions.

Le P. Rapin regarde la patavinité comme une mauvaise prononciation qui choquoit les oreilles délicates de ceux qui étoient à la cour d’Auguste, & qui sentoit la province.

Morhof croit que c’étoit une certaine tournure de style, & quelques phrases particulieres aux Padouans. Tout ce que nous en savons de certain, c’est que c’étoit une faute de langage reprochée à Tite-Live, mais non un défaut de sentiment ou de mœurs. Très-probablement c’est une de ces délicatesses qui sont perdues dans une langue morte. M. Balzac ne pouvoit pas mieux rendre son radoteur ridicule, qu’en supposant qu’il se glorifioit d’avoir découvert ce que c’étoit que la patavinité reprochée à Tite-Live par Pollion.

Dan. Georg. Mothof a fait un traité intitulé, de patavinitate liviana, imprimé à Kiel en 1685, ou il explique doctement l’urbanité & la péregrinité de la langue latine.

Pollion, dit M. Rollin, prétendoit découvrir dans le style de Tite-Live de la patavinité, c’est-à-dire apparemment quelques termes ou quelques tours qui sentoient la province. Il se peut faire qu’un homme né & élevé à Padoue eût conservé, s’il est permis de parler ainsi, un goût de terroir, & qu’il n’eût pas toute cette finesse, cette delicatesse de l’urbanité romaine, qui ne se communiquoit pas à des etrangers aussi facilement que le droit de bourgeoisie ; mais c’est ce que nous ne pouvons pas appercevoir ni sentir. Hist. anc. tom. XII. p. 300.