L’Encyclopédie/1re édition/PARJURE

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PARJURE, s. m. (Jurisprud.) est le crime de celui qui a fait sciemment un faux-serment ; on entend aussi par le terme de parjure celui qui a commis ce crime.

On appelle également parjure celui qui a fait un faux-serment, en affirmant véritable un fait qu’il savoit être faux, & celui qui a manqué volontairement à son serment en n’accomplissant pas la promesse qu’il a faite sous la foi & la religion du serment.

Il seroit assez difficile de déterminer par les textes de droit ; si le crime de parjure est punissable, & de quelle maniere.

En effet, d’un côté la loi derniere ff. de stellion. dit que le parjure doit être puni du bannissement, & la loi 13. au ff. de jure jur. qu’on doit le condamner au fouet ; la loi 41. au code de transactionibus dit qu’il est infâme, & la loi 17. au code de dignitati. qu’il doit être privé de ses dignités ; les lois du code prononcent aussi que le parjure n’est plus reçu au serment, qu’il ne peut plus être témoin, ni agir en demandant.

Mais d’un autre côté, la loi 2. au code de rebus creditis, dit que le parjure ne doit point être puni par le prince, parce que c’est assez qu’il ait Dieu pour vengeur de son crime.

Cependant nos rois n’ont pu souffrir qu’un crime qui offense Dieu si grievement, & qui est en même tems des plus préjudiciables à la société civile, demeurât sans punition.

Suivant les capitulaires de Charlemagne & de Louis le débonnaire, la peine du parjure est d’avoir la main droite coupée.

Par l’ordonnance de S. Louis en 1254, qui est rapportée dans le style du parlement, le bénéfice d’appel est dénié à celui qui a été condamné pour crime de parjure, mais elle ne regle point la peine à laquelle il doit être condamné.

L’ordonnance de Charles VII. sur le fait des aides, art. xiv. dit que si le parjurement se prouve, celui qui se sera parjuré, sera condamné en une amende arbitraire envers le roi & envers le fermier, & aux dépens, dommages & intérêts du fermier.

Par l’art. 593. de l’ancienne coûtume de Bretagne, qui est le 638. de la nouvelle, tout homme qui est condamné & déclaré parjure, perd tous ses meubles, & les confisque au profit du seigneur en la justice duquel il est condamné.

L’art. 40. de la même coûtume, qui est le 37. de la nouvelle, porte que tout officier de justice qui est convaincu de parjure est infâme, & incapable d’être juge & de tenir aucun autre office public.

Enfin l’art. 362. de la coûtume de Bourbonnois déclare que si aucun affirme frauduleusement qu’il mene aucune chose par Paris pour gens privilégiés, & il est convaincu du contraire, il est puni comme parjure à l’arbitrage du juge.

On voit par ces différentes lois qu’en France le parjure a toujours été regardé comme un crime très-odieux, & que l’on punit celui qui en est convaincu, mais que la peine en est arbitraire ; quelquefois on condamne en une amende honorable, ou, en tous cas, en une amende pécuniaire envers le roi, & une réparation envers la partie ; tout cela dépend des circonstances.

Mais la recherche de ce crime est assez rare, soit parce qu’il est difficile de prouver que celui qui a commis un parjure l’a fait sciemment, soit parce que, suivant la loi 1. au code de rebus creditis, on ne peut, sous prétexte de parjure, faire retracter le jugement qui a été rendu sur le serment déféré à une partie par son adversaire, ensorte que l’on ne pourroit agir que dans le cas où le serment a été déféré par le juge, & que depuis le jugement l’on a trouvé de nouvelles pieces qui prouvent la fausseté du serment, comme il est dit en la loi 31. ff. de jure jurando.

Cependant plusieurs auteurs, entre lesquels est M. d’Argentré, sur l’art. 593. de l’ancienne coûtume de Bretagne, tiennent qu’après la prestation de serment déféré, même par la partie adverse, la preuve du parjure doit être reçue, & le jugement intervenu sur icelui retracté. Si la preuve du parjure est prompte & évidente, comme si un débiteur avoit dénié par serment le prêt qui lui avoit été fait, croyant que la promesse fût perdue, ou qu’un créancier de mauvaise fois eût dénié le payement qui lui auroit été fait, & que l’un ou l’autre fût convaincu de mauvaise foi par la représentation de la promesse ou quittance qui auroit été recouvrée depuis.

Mais il faut bien prendre garde que par le canon 5. caus. 22. quest. v. qui est tiré de S. Augustin, il est expressément défendu de provoquer au serment celui qu’on peut convaincre de parjure aussi-tôt qu’il aura affirmé ; car en ce cas dit ce saint pere celui qui défere le serment, est homicide de son ame & de celui qu’il fait jurer.

Ainsi celui qui ayant en main des promesses, des quittances ou autres pieces pour convaincre sa partie, au lieu de les lui communiquer, les lui dissimuleroit & lui déféreroit le serment malicieusement, pour faire tomber cette partie dans un parjure, seroit lui-même très-coupable.

Mais si celui qui a déféré le serment n’avoit pas alors en main la preuve du fait contraire, & que les pieces n’ayent été recouvrées que depuis, il n’encourt point de censure ; ainsi qu’il est dit dans le canon 6. à l’endroit que l’on vient de citer.

Quand la peine prononcée contre le parjure est légere eu égard aux circonstances, & qu’elle n’emporte pas infamie de droit, il y a toujours au-moins infamie de fait, qui fait perdre au parjure la confiance de tous les gens d’honneur & de probité, & l’exclud de toute dignité. Voyez au digeste le tit. de jure jurando. Julius Clarus, lib. V. sentent. Papon, liv. XXII. tit. XII. n°. 10. Boniface, tome V. liv. III. tit. I. chap. xiij. Louet, let. L. som. 4. Journal des aud. tome IV. liv. V. ch. j. Belonneau, sur l’art. 163. de la coûtume de Bretagne ; & Sauvageon, sur ce même article ; Ducange, let. F. où il parle de fide violatâ. (A)