L’Encyclopédie/1re édition/PARFUM

PARFUM, s. m. (Composition de parfums.) la plûpart des parfums se font avec le musc, l’ambre gris, la civette, le bois de rose & de cedre, l’iris, la fleur d’orange, la rose, le jasmin, la jonquille, la tubéreuse, & autres fleurs odorantes. On y fait encore entrer le storax, l’encens, le benjoin, le girofle, le macis, & autres semblables drogues, que l’on nomme communément des aromates. On compose aussi des sachets parfumés avec des herbes aromatiques, telles que peuvent être la lavande, la marjolaine, la sauge, le thim, la sarriette, l’hyssope, &c.

Autrefois les parfums où entroient le musc, l’ambre gris, & la civette, étoient recherchés en France, mais ils sont tombés de mode, depuis que nos nerfs sont devenus plus délicats. Parfum se prend souvent pour les corps mêmes d’où s’exhalent les parfums ; en ce sens, les meilleurs parfums se tirent d’orient, & des pays chauds. (D. J.)

Parfum, (Littérat.) les anciens regardoient les parfums non-seulement comme un hommage qu’on devoit aux dieux, mais encore comme un signe de leur présence. Les dieux, suivant la théologie des Poëtes, ne se manifestoient jamais sans annoncer leur apparition par une odeur d’ambroisie. Aussi Hyppolite expirant, & entendant une voix qui lui parloit (c’étoit la voix de Diane sa protectrice), s’écrie dans Euripide, « ô divine odeur ! car j’ai senti, déesse immortelle, que c’étoit vous qui me parliez ».

On employoit aussi des parfums sur les tombeaux pour honorer la mémoire des morts ; ainsi Antoine recommande de répandre sur ses cendres du vin, des herbes odoriférantes, & de mêler des parfums à l’agréable odeur des roses.

Sparge mero cineres, & odoro perlue nardo
Hospes, & adde rosis balsama puniceis.

Anacréon avoit dit long-tems auparavant, ode 4, « à quoi bon répandre des essences sur mon tombeau ? Pourquoi y faire des sacrifices inutiles ; parfume-moi plutôt pendant que je suis en vie ; mets des couronnes de roses sur ma tête ». (D. J.)

Parfum, (Critique sacrée.) l’usage des parfums étoit recherché des Hébreux & des Orientaux. Moïse donne la composition de deux especes de parfums, dont l’un devoit être offert au seigneur sur l’autel d’or, & l’autre étoit destiné à oindre le grand-prêtre & ses fils, de même que le tabernacle & tous les vases destinés au service divin. La loi défendoit sous peine de la vie à quelque homme que ce fût, de se servir du premier de ces parfums pour son usage. Il étoit composé de hacte, d’onix, de galbanum, & d’encens par égale portion ; æqualis ponderis erunt omnia, Exod. xxx. 34. Le parfum d’onction étoit fait de myrrhe, de cinnamome, de canne aromatique, de casse, & d’olive, Exod. xxx. 31. Il étoit également défendu de l’employer à d’autres usages qu’à celui de sa destination, & d’en faire pour soi, ou pour les autres. Voyez Onction huile d’. (Critique sacrée.)

Mais les Hébreux avoient d’autres parfums pour leurs usages profanes, tels que ceux qui étoient dans les trésors du roi Ezéchias ; ostendit eis aromata & cellam odoramentorum, & unguenti optimi, Is. xxxix. 2. Judith se parfuma pour paroître devant Holopherne. Le corps du roi Asa fut exposé sur un lit de parade avec beaucoup de parfums : posuerunt eum super lectum suum plenum aromatibus & unguentis meretriciis. Enfin, les Hébreux aimoient tellement les parfums, que c’étoit pour eux une grande mortification de s’en abstenir, & qu’ils ne s’en privoient que dans des tems de calamités. Il paroît par l’Ecriture, que les hommes & les femmes en usoient indifféremment. Les parfums qu’ils employoient pour embaumer leurs morts d’un rang éminent, étoient apparemment composés des mêmes drogues que ceux des Egyptiens, dont les Hébreux avoient pris l’usage des embaumemens. L’usage des parfums pour les morts, fit naître aux vivans l’idée de les employer pour la sensualité. Les femmes chez les Hébreux les prodiguoient sur elles en tems de noces ; c’est ainsi que se conduisit Ruth pour plaire à Boz, & Judith pour captiver les bonnes graces d’Holopherne.

Parfum, en Médecine & en Pharmacie. Ces compositions n’exhalent pas toujours une bonne odeur ; il y en a d’agréables & de desagréables.

On les divise en parfums liquides & en parfums secs. Les liquides sont comme les eaux de senteur, les cassolettes. Les secs sont comme les pastilles, les baies de genievre qu’on fait brûler dans les chambres des malades, dans les hopitaux pour corriger le mauvais air.

On parfume les chambres avec l’eau de fleur d’orange, le vinaigre, l’esprit de sel ammoniac, l’esprit-de-vin mis dans une phiole à long col sur un réchaud, pour en répandre plus aisément la vapeur.

Parfum céphalique. Prenez styrax calamite, benjoin, de chacun un gros & demi ; gomme de genievre, encens, de chacun un gros ; gérofle, canelle, de chacun deux scrupules ; feuilles de laurier, de sauge, de marjolaine, de romarin, de chacun demi-gros. Faites une poudre de tous ces ingrédiens que vous jetterez sur les charbons ardens, afin que le malade en reçoive la fumée par le nez.

On en peut faire de pareils pour remplir d’autres indications, pour provoquer les regles, la salivation, &c.

Parfum, (Tireurs d’or.) on nomme de la sorte une composition de divers ingrédiens, dont quelques tireurs d’or & d’argent se servent pour donner le fumage au fil d’argent, afin de le faire passer pour fil d’or, ou fil surdoré ; le parfum est défendu par les réglemens.