L’Encyclopédie/1re édition/PARDONNER

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PARDONNER, v. act. c’est remettre le châtiment, sacrifier son ressentiment & promettre l’oubli d’une faute. On pardonne la chose, on pardonne à la personne.

Il y a des qualités qu’on pardonne plus difficilement que des offenses.

Il faut bien de la modestie, bien de l’attention, bien de l’art pour arracher aux autres le pardon de la supériorité qu’on a sur eux.

On se pardonne si souvent à soi-même, qu’on devroit bien pardonner quelquefois aux autres.

Des hommes qui ont fait un sot ouvrage, que des imbécilles éditeurs ont achevé de gâter, n’ont jamais pû nous pardonner d’en avoir projetté un meilleur. Il n’y a sorte de persécutions que ces ennemis de tout bien ne nous ait suscitées. Nous avons vû notre honneur, notre fortune, notre liberté, notre vie compromises dans l’espace de quelques mois. Nous aurions obtenu d’eux le pardon d’un crime, nous n’en avons pû obtenir celui d’une bonne action.

Ils ont trouvé la plûpart de ceux que nous n’avons pas jugés dignes de coopérer à notre entreprise, tout disposés à épouser leur haine & leur jalousie.

Nous n’avons point imaginé de vengeance plus cruelle de tout le mal qu’ils nous ont fait, que d’achever le bien que nous avions commencé.

Voilà l’unique espece de ressentiment qui fût digne de nous.

Tous les jours ils s’avilissent par quelques nouveaux forfaits ; je vois l’opprobre s’avancer sur eux.

Le tems ne pardonne point à la méchanceté. Tôt ou tard, il en fait justice.