L’Encyclopédie/1re édition/PALESTRE

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PALESTRE, s. f. (Art gymast.) palæstra ; lieu où les anciens s’exerçoient pour la gymnastique médicicale & athlétique, à la lutte, au palet, au disque, au jeu du dard & autres jeux semblables ; ce lieu d’exercice s’appelloit palæstra, du mot παλὴ, la lutte.

Le terrein chez les Grecs & les Romains destiné à cet usage, étoit couvert de sable & de boue, pour empêcher que les athletes ne se tuassent en se renversant par terre. La longueur de la palestre étoit réglée par stades, qui valoit chacun 125 pas géométriques, & le nom de stade s’appliquoit à l’arene sur laquelle on couroit. Vitruve nous a donné dans son architecture, liv. V. ch. xj. la description & le plan d’une palestre.

Les combats même où l’on disputoit de la course & de l’adresse à lancer un dard, ont été nommés palestræ par Virgile dans son Æneid. lib. V.

Pars in gramineis exercent membra palæstris.

Et quand il veut dépeindre dans ses Géorg. lib. II. v. 531. les jeux de ceux qui habitent la campagne, il dit que le laboureur propose au berger un combat de fleches ; qu’on tire contre un but attaché à un orme, & que chacun d’eux quitte ses habits pour être plus propre à cette palestre :

Pecorisque magistris
Velocis jaculi certamina ponit in ulmo,
Corporaque agresti nudat prædura palæstrâ.

Mais ce qui n’est point une fiction poëtique, & ce qui étoit particulier à Lacédémone, c’est que les filles s’exerçoient dans la palestre aussi-bien que les hommes. Si vous en voulez voir une belle description en vers, Properce vous la donnera dans une de ses élégies du troisieme livre. Cependant vous n’en trouverez point de peinture plus élégante en prose, que celle qu’en fait Cicéron dans ses Tusculanes, où après avoir parlé de la mollesse avec laquelle les autres nations élevoient les filles, il peint les occupations de celles de Sparte. Il leur est bien plus doux, dit-il, de s’exercer dans le palestre, de nager dans l’Eurotas, de s’exposer au soleil, à la poussiere, à la fatigue des gens de guerre, qu’il leur seroit flatteur de ressembler aux filles barbares. Il se mêle à la vérité de la douleur dans la violence de leurs exercices ; on les choque, on les frappe, on les repousse, mais ce travail même est un remede contre la douleur.

Pyrrhus a une fois employé bien heureusement le mot palestre au figuré. Comme il ne pouvoit se rendre maître de la Sicile, il s’embarqua pour l’Italie ; & tournant la vue vers cette île, il dit à ceux qui l’accompagnoient : « Mes amis, quelle palestre nous laissons-là aux Carthaginois & aux Romains ! » (D. J.)