L’Encyclopédie/1re édition/PALADIN

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PALADIN, s. f. (Hist. de la Chevalerie.) On appelloit autrefois paladins, ces fameux chevaliers errans, qui cherchoient des occasions pour signaler leur valeur & leur galanterie. Les combats & l’amour étoient leur unique occupation ; & pour justifier qu’ils n’étoient pas des hommes vulgaires, ils publioient de toutes parts, que leurs maîtresses étoient les plus belles personnes qui fussent au monde, & qu’ils obligeoient ceux qui n’en conviendroient pas volontairement, de l’avouer, ou de perdre la vie.

On dit que cette manie commença dans la cour d’Artus, Roi d’Angleterre, qui recevoit avec beaucoup de politesse & de bonté les chevaliers de son royaume & ceux des pays étrangers, lorsqu’ils s’étoient acquis par leur défi, la réputation de braves & de galans chevaliers. Lancelot étant arrivé à la cour de ce prince, devint amoureux de la reine Genevre, & se déclara son chevalier ; il parcourut toute l’île ; il livra divers combats dont il sortit victorieux, & se rendant ainsi fameux par ses faits guerriers, il publia la beauté de sa maîtresse, & la fit reconnoître pour être infiniment au-dessus de toutes les autres beautés de la terre. Tristan, d’un autre côté, amoureux de la reine Issorte, publioit de même la beauté & les graces de sa maîtresse, avec un défi à tous ceux qui ne le reconnoîtroient pas.

L’amour qui est fondé sur le bonheur attaché au plaisir des sens, sur le charme d’aimer & d’être aimé, & encore sur le desir de plaire aux femmes, se porte plus vers une de ces trois choses, que vers les deux autres, selon les circonstances différentes dans chaque nation & dans chaque siecle. Or dans le tems des combats établis par la loi des Lombards, ce fut, dit M. de Montesquieu, l’esprit de galanterie qui dut prendre des forces. Des paladins, toujours armés dans une partie du monde pleine de châteaux, de forteresses & de brigands, trouvoient de l’honneur à punir l’injustice, & à défendre la foiblesse. De-là encore, dans nos romans, la galanterie fondée sur l’idée de l’amour, jointe à celle de force & de protection. Ainsi naquit la galanterie, lorsqu’on imagina des hommes extraordinaires, qui, voyant la vertu jointe à la beauté & à la foiblesse, furent portés à s’exposer pour elle dans les dangers, & à lui plaire dans les actions ordinaires de la vie. Nos romans de chevalerie flatterent ce desir de plaire, & donnerent à une partie de l’Europe cet esprit de galanterie, que l’on peut dire avoir été peu connu par les anciens.

Le luxe prodigieux de cette immense ville de Rome flatta l’idée des plaisirs des sens. Une certaine idée de tranquillité dans les campagnes de la Grece, fit décrire les sentimens de l’amour, comme on peut le voir dans les romans grecs du moyen âge. L’idée des paladins, protecteurs de la vertu & de la beauté des femmes, conduisit à celle de galanterie. Cet esprit se perpétua par l’usage des Tournois, qui, unissant ensemble les droits de la valeur & de l’amour, donnerent encore à la galanterie une grande importance. Esprit des lois. (D. J.)