L’Encyclopédie/1re édition/PAGE

◄  PAGARQUE
PAGÉENS  ►

PAGE, s. m. (Hist. mod.) c’est un enfant d’honneur qu’on met auprès du prince & des grands seigneurs, pour les servir, avec leurs livrées, & en même tems y recevoir une honnête éducation, & y apprendre leurs exercices.

On voit par les Mémoires de Philippes de Comines, que les pages qui servoient les princes & les seigneurs de son tems, étoient nobles enfans, qui par-tout suivoient leurs maîtres pour apprendre la vertu & les armes. Le chevalier d’Accily, qui ne vivoit pas de ce tems-là, a dit au contraire :

S’il est beau le fils de Climene,
Quoiqu’elle ait un homme assez laid,
Cela n’a rien qui me surprenne ;
Son page est un garçon bien fait.

Loiseau remarque, dans son traité des Ordres, qu’anciennement les jeunes gentilshommes étoient pages des seigneurs, & les jeunes demoiselles étoient filles-de-chambre des dames ; car, comme nous enseigne fort bien Ragueau, les pages sont pædagogia, sive pædagogiani pueri.

On distinguoit alors deux sortes de pages, savoir les pages d’honneur, & les communs. Les pages d’honneur n’étoient que chez les princes & les souverains, & étoient ordinairement fils de barons ou chevaliers, desquels la fonction est, pour ainsi dire, décrite par Quinte-Curce, l. VIII. hæc cohors veluti seminarium ducum præfectorum est ; en effet, quand ils étoient hors de pages, ils devenoient bacheliers ou damoiseaux. Bachelier signifie prétendant à chevalerie : damoiseau est le diminutif de dant, qui signifie seigneur, jusqu’à ce qu’étant devenus chefs de maison, ils soient qualifiés seigneurs tout-à-fait. Les pages communs sont issus de simple noblesse, & servent les chevaliers ou seigneurs ; car un simple gentilhomme ne doit point avoir pages, mais seulement laquais qui sont roturiers.

Lancelot dérive le mot page du grec παῖς, qui veut dire un enfant. Ménage & Caseneuve le tirent de pædagogium. Cujas & Jacques Godefroi témoignent que les enfans d’honneur étoient nommés chez les Européens pædagogiani pueri. Dans la suite on appella pages & enfans de cuisine, les petits officiers servant à la cuisine du roi. Le président Fauchet dit, que jusqu’au regne des rois Charles IV. & Charles VII. on nommoit pages de simples valets-le-pié ; & que de son tems les Tuilliers appelloient pages certains valets qui portoient sur des palettes les tuiles vertes pour les faire sécher : il ajoute, que c’étoit seulement depuis quelque tems qu’on avoit distingué les pages nobles des pages vilains servant-à-pié, qui ont été nommés naquets ou laquais.

Il est vrai que les pages du tems de l’ancienne chevalerie, se nommoient autrement varlets ou damoiseaux, & qu’ils remplissoient alors l’emploi de domestiques auprès de la personne de leurs maîtres ou de leurs maîtresses ; ils les accompagnoient à la chasse, dans leurs voyages, dans leurs visites ou promenades, faisoient leurs messages, & même les servoient à table : le célebre chevalier Bayard avoit versé à boire & fait les autres fonctions de page auprès de l’évêque de Grenoble.

C’étoit ordinairement les dames qui se chargeoient de leur apprendre leur catéchisme & la galanterie, l’amour de Dieu & des dames ; car l’un ne pouvoit aller sans l’autre, & l’amant qui entendoit à loyaument servir une dame, étoit sauvé, suivant la doctrine de la dame des belles cousines.

On prenoit grand soin de les instruire aux exercices des écuyers & chevaliers, qui étoient les grades auxquels ils devoient aspirer. Ils ne quittoient point l’état de page sans passer par une cérémonie religieuse. Le gentilhomme mis hors de page étoit présenté à l’autel par son pere & sa mere, qui chacun un cierge à la main alloient à l’offrande : le prêtre célébrant prenoit de dessus l’autel une épée & une ceinture qu’il attachoit au côté du jeune gentilhomme, après les avoir bénis. Voyez l’Histoire de la chevalerie, par M. de Saint-Palaye. (D. J.)

Pages-Mousses, Garçons, (Marine.) ce sont les jeunes gens de l’équipage, apprentis matelots, ou éleves de la navigation. Voyez Mousses.

Page de la chambre du capitaine, c’est le garçon qui sert le capitaine.