L’Encyclopédie/1re édition/PÉTÉCHIALE, fievre

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PÉTÉCHIALE, fievre, (Médec.) c’est une fievre continue, maligne, contagieuse, accompagnée de taches plates, semblables à des morsures de puces, de différente couleur, & causée par une corruption des humeurs, suivie d’une dissolution putride.

Les malades éprouvent dès le commencement de ces sortes de fievres, de grandes foiblesses, & l’épuisement des forces, la douleur & la pesanteur de tête, l’abattement & l’inquiétude de l’esprit ; l’insomnie continuelle, la pulsation du pouls languissante, foible & inégale, l’oppression de poitrine, les vomissemens, & souvent la contraction & les tressaillemens de tendons. Plusieurs malades néanmoins ne se plaignent que d’un abattement extraordinaire, d’une grande insomnie, & de défaillance. Le quatrieme, cinquieme, ou même le septieme jour, des taches commencent à paroître, principalement sur le dos & les reins, elles sont plus ou moins abondantes, assez semblables à des morsures de puces & de différentes couleurs & figures, jaunes, rougeâtres, pourprées, rondes, lenticulaires ; on les nomme pétéchies. Voyez ce mot.

Ces taches paroissent sans ardeur, sans démangeaison, sans élevation, sans ulcération de la peau, & sans apporter aucun soulagement au malade ; parce qu’elles sont d’une nature putride ; aussi plus elles sont nombreuses, plus elles marquent le degré de corruption, & même une corruption sphacéleuse, lorsqu’elles sont d’une couleur livide, plombée & d’un verd noirâtre.

Les autres signes funestes dans cette maladie sont une langue seche, crévassée, noirâtre, sans desir de boire ; le gosier enflammé, la difficulté d’avaler, le délire après l’éruption des taches ; l’embarras de la respiration, l’urine sans aucun dépôt ; s’il survient en même tems des tressaillemens dans les tendons, l’écoulement involontaire des excrémens, la sueur froide, & les convulsions, il ne faut point douter que la mort ne soit prochaine.

La cause formelle de ces fievres pernicieuses consiste dans une dissolution putride, & dans une colliquation des humeurs, & dans une corruption vicieuse du fluide lymphatique & subtil qui est dans le sang.

Cet état a d’ordinaire pour premiere origine une vapeur nuisible qui passe de l’air dans le corps par les narines, le gosier & les bronches. Ce venin affecte immédiatement les nerfs, cause la pesanteur de tête, & l’abattement des forces. Il se mêle principalement avec la salive, & descend avec elle dans le ventricule & les intestins ; d’où naissent le dégoût pour les alimens, & les inquiétudes par la communication des nerfs, des parties voisines du cœur. Hippocrate a déja attribué autrefois la premiere origine de ces fievres contagieuses à la corruption générale de l’air ou des humeurs ; de-là vient qu’elles sont fréquentes dans les camps, & qu’on leur a donné le nom de maladies d’armées. C’est aussi par la même raison qu’elle font tant de ravages dans les hôpitaux, dans les vaisseaux & dans les prisons publiques.

Les Médecins doivent agir de concert avec la nature, & la seconder pour parvenir à la guérison de cette cruelle maladie. Les remedes volatils & sudorifiques augmentent la corruption, occasionnent un orgasme, & abattent les forces ; il faut donc les éviter. La bonne méthode curative consiste à corriger la putréfaction, & à évacuer les humeurs corrompues quand elles sont en état d’être évacuées, ce qui arrive depuis le septieme jusqu’au quatorzieme jour. Les remedes propres à cet effet, sont ceux qui relachent le ventre du malade, sans y causer l’éretisme ; telles sont la manne, mêlée avec la crême de tartre ; le syrop solutif de roses, mêlé avec le sel polychreste dans quelque véhicule delayant comme le petitlait, la pulpe de tamarins & autres semblables. La saignée ne doit avoir lieu que dans les personnes plethoriques, & qui vivent dans l’abondance de toutes choses. Les tisanes acidules sont propres à diminuer la corruption des humeurs. Enfin le régime antiputride convient dans le cours & à la fin de ces maladies, pour préserver de dangereuses rechutes : la nature elle-même les guérit quelquefois par des diarrhées critiques, qui surviennent le septieme, le neuvieme ou le onzieme jour. Quelquefois ces maladies sont populaires, contagieuses, & presque pestilentieles ; alors le plus sur est d’éviter la contagion en se retirant à tems, & en fuyant un air impregné d’exhalaisons venéneuses. (D. J.)