L’Encyclopédie/1re édition/PÉNATES, dieux

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PÉNATES, dieux, (Mythologie & Littérat.) les dieux pénates étoient regardes ordinairement comme les dieux de la patrie ; selon quelques-uns ce sont Jupiter, Junon, & Minerve ; selon d’autres ce sont les dieux des Samothraces, qui étoient appellés divi potes, dieux puissans, ou cabires, qui est la même chose ; car calir en phénicien ou syriaque, signifie puissant, & ces dieux sont Cérès, Proserpine, Minerve, & Pluton ; quelques-uns y ajoutent Esculape & Bacchus.

Les Grecs ont rendu le mot pénates par Πατρῴους, Patriens ; Γενεθλίους, Généthliens ; Κτησίους, Ctésiens ; Μυχίους, Mychiens ; & Ἑρκίους, Herciens, mots qui signifient tous la même chose. Virgile décrit ces pénates herciens dans ces vers du livre II. de l’Enéide :

Ædibus in mediis medioque sub ætheris axe
Ingens ara fuit, juxtaque veterrima laurus
Incumbens aræ, atque umbrâ complexa penates.

« Au milieu du palais, dans un endroit découvert étoit un grand autel, & tout auprès un vieux laurier, qui de son ombre couvroit l’autel & les dieux pénates ».

Denis d’Halicarnasse nous peint les dieux pénates apportés de Troie, tels qu’on les voyoit dans un vieux temple à Rome, près du marché ; c’étoit, dit-il, deux jeunes hommes assis tenant chacun une lance d’un ouvrage fort antique, & avec cette inscription, denates, pour penates ; les anciens, continue-t-il, qui n’avoient pas l’usage de la lettre P, se servoient de la lettre D.

Ciceron distingue trois ordres de dieux pénates, ceux d’une nation, ceux d’une ville, & ceux d’une maison ; en ce dernier sens les dieux pénates ne différoient pas beaucoup des dieux lares ; c’étoient les dieux protecteurs du logis ; on leur donna le nom de pénates, continue le même Ciceron, du mot penu, parce qu’ils veillent à ce qu’il y a de plus secret dans le domestique, ou si l’on aime mieux, parce qu’on les mettoit dans l’endroit le plus retiré de la maison, in penitissimâ ædium parte. Suétone raconte que dans le palais d’Auguste il y avoit un grand appartement pour les dieux pénates, c’est-à-dire pour les dieux lares ; un jeune palmier étant né devant la maison de l’empereur, il le fit apporter dans la cour des dieux pénates, avec ordre qu’on eût grand soin de sa culture ; mais il faut finir par un fait bien plus important.

Il étoit d’abord défendu à Rome d’honorer chez soi des divinités dont la religion dominante n’admettoit pas le culte. Dans la suite les Romains plus éclairés sur les moyens d’aggrandir l’état, y souffrirent non-seulement l’introduction des dieux particuliers, mais l’autoriserent par le gouvernement politique, puisqu’une loi des douze tables enjoignoit de célébrer les sacrifices des dieux pénates, & de les continuer sans interruption dans chaque famille, suivant que les chefs de ces mêmes familles l’avoient prescrit. (D. J.)