L’Encyclopédie/1re édition/PÉLUSE

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PÉLUSE, (Géog. anc.) Pelusium, ville d’Egypte, à l’embouchure du bras le plus oriental du Nil, & le plus voisin de la Palestine ; c’est la même ville que Damiette ; on la nommoit autrement Abarim & Typhon, ou comme disoient les Hébreux, Python. Les Egyptiens l’appelloient Sethron, & la région Séthroite ; d’où vient que Pline dit : qua juxtà Pelusium est regio, nomen habet Bubastitem, Sethronitem, Tanilem.

Péluse étoit comme la clé de l’Egypte du côté de la Phénicie & de la Judée. Ezechiel, ch. xxx. v. 15. & 16. en parle sous le nom de Sin, & il l’appelle la force de l’Egypte ; ou le rempart de l’Egypte. L’hébreu sin, qui signifie de la boue, revient fort bien au grec pelusium, qui dérive de pelos, & qui a la même signification. Strabon, liv. XVII. p. 802. dit que la ville de Pelusium étoit environnée du lac qu’on appelloit Barathra, & de quelques marais. Il la place à vingt stades de la mer, & il donne à ses murailles un égal nombre de stades de circuit. Elle est mise dans l’Augustamnique par Ammien Marcellin, qui veut qu’elle ait été bâtie par Pélée ; ce qu’il y a de plus sûr, c’est qu’elle fut souvent assiégée & prise, quoique difficilement. On s’attaquoit d’autant plus à cette place, qu’elle donnoit, à ceux qui en étoient les maîtres, l’entrée libre dans l’Egypte. L’embouchure la plus orientale du Nil prenoit son nom dans cette ville. Lucain dit :

Dividui pars maxima Nili
In vada decurrit Pelusia, septimus amnis.

Claude Ptolomée, mathématicien célebre, étoit de Pelusium, mais il fit son séjour à Alexandrie : il vivoit dans le second siecle. Les ouvrages qu’il a laissés lui ont acquis une très-grande réputation, la Géographie sur-tout lui doit beaucoup : ses œuvres ont paru à Amsterdam en 1618, in fol.

Isidore, le plus savant & le plus célebre des disciples de saint Chrisostome, fut surnommé Isidore de Péluse, parce qu’il se retira dans la solitude au voisinage de cette ville, las des tracasseries de ses confreres. Il vivoit au commencement du cinquieme siecle, & mourut en 440. Ses œuvres, où l’on trouve des points importans de discipline ecclésiastique très bien traités, ont été imprimés plusieurs fois ; mais la meilleure édition est celle de Paris en 1638, in-folio, en grec & en latin. Les lettres de cet auteur respirent la candeur & l’érudition ; elles sont courtes & bien écrites : en voici un trait curieux sur les ecclésiastiques de son tems. « Pourquoi, dit-il, lib. IV. epist. 57. vous étonnez-vous de ce que se mettant en fureur par un violent amour de domination, ils feignent d’avoir des différends entre eux sur des dogmes qui sont au-dessus de leur portée & de leurs expressions » ? Quoi ! déjà dans le cinquieme siecle, des prélats accuses par Isidore, de feindre par esprit de domination, & de feindre sur des dogmes essentiels à la foi ! Ce sont-là des traits historiques qu’il ne faut point oublier.

Pelusium étoit aussi le nom d’un port de la Thessalie. (D. J.)