L’Encyclopédie/1re édition/ORNEMENT

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ORNEMENT, s. m. (Gram.) ce qui sert à parer une chose, quelle qu’elle soit. Le grand principe c’est que les parties essentielles & principales se tournent en ornemens ; car alors le spectateur qui voit l’utile servir de base à l’agréable, est affecté le plus doucement qu’il est possible. Les belles personnes n’ont pas besoin d’ornemens. Les habits dont les prêtres se vêtissent en officiant, s’appellent des ornemens. L’Architecture demande un grand choix d’ornemens. On dit d’un grand homme, qu’il sera la gloire de sa nation, & qu’il est l’ornement de son siecle. Les figures de la Réthorique sont les ornemens du discours. La science est l’ornement de l’esprit.

Ornemens funebres, (Littérat.) ce sont en général le lit, les habits, les marques de dignité, & autres choses de cette espece, dont les anciens paroient un corps mort, & l’exposoient à la vue du public, avant que de le mettre en terre, ou de le brûler ; à cet usage répond en partie ce que nous nommons le lit de parade des princes & princesses avant leur enterrement. Le mot grec qui désigne ces ornemens funebres des anciens, est ἐνταφιασμὸν, ou ἐντάφιον, dont l’action d’embaumer faisoit une partie chez les Egyptiens. Ptolomée voulant donner une effigie d’Alexandre qu’il avoit fait faire à la place de son véritable corps, mit à cette effigie un manteau royal, & l’enrichit de divers autres ornemens, ἐνταφίοις, qu’il jugea propres à son dessein. Apollodore porta à Socrate, dans sa prison, une tunique & un manteau fort riche, & le priant de s’en revêtir avant que de boire la ciguë, lui dit qu’il en usoit de la sorte, afin qu’il ne fût pas privé des ornemens funebres ; mais sa mort glorieuse n’étoit-elle pas le plus bel ornement funebre, le plus beau mausolée, la plus honorable sépulture, comme dit Œlian ? (D. J.)

Ornement des armes, (Hist. milit.) les ornemens des armes ont été inventés pour donner aux armes de la beauté, du relief & de l’agrément, comme étoient autrefois les cimiers qu’on ajoutoit aux heaumes, & qu’on mettoit sur les casques. Les lambrequins étoient encore un ornement de casque.

Cet ornement a passé dans les armoiries, aussi-bien que le casque. On mettoit quelquefois des pierres précieuses au casque ; mais il étoit de la prudence de celui qui le portoit, de les ôter pour sa sûreté, quand il alloit au combat. Aux cimiers succéderent les panaches ou bouquets de plumes en touffe au haut du casque. C’étoit un ornement de l’armure de tête des soldats romains. Les panaches furent aussi mis sur la tête des chevaux au-dessus du chamfrain. Un autre ornement des armes étoit la cotte d’armes. Dans la suite des tems on se contenta d’orner la cuirasse d’une écharpe, qui tantôt fut portée en baudrier, tantôt en ceinturon. Ce qui distinguoit encore nos anciens chevaliers, étoient les éperons dorés. Les écuyers en portoiens d’argent. Les armories du chevalier, ou de l’écuyer étoient sur son bouclier, ce qui faisoit encore un ornement. Tout ce qu’on voit aujourd’hui d’ornement, c’est le plumet au chapeau des officiers, & des chevaux richement caparaçonnés, mais plus ou moins, suivant le rang & la dignité de ceux qui les montent. (D. J.)

Ornement, (Archit. & Sculpt.) mot général qu’on donne à la sculpture qui décore l’architecture. Vitruve & Vignole comprennent sous ce nom l’entablement.

Ornement de coins. Ornemens qu’on met au coin des chambranles, au-tour des portes ou des fenêtres formés des membres de l’architecture, lorsqu’on ne les fait pas unis & paralelles aux côtés, mais qu’on les brise aux coins. On distingue ces ornemens en simples & en doubles. Leur module est communément de à de largeur.

Ornemens de relief. Ornemens taillés sur les contours des moulures, comme les feuilles d’eau & de refend, les joncs, les coquilles, &c.

Ornemens en creux. Ornemens fouillés dans les moulures, comme les oves, rais-de-cœur, &c.

Ornemens maritimes. On appelle ainsi les glaçons, mascarons, poissons, festons, coquillages, &c. qui servent à décorer les grottes & les fontaines.

Vitruve gémit sur la corruption du goût en fait d’ornemens d’architecture ; ce goût s’est encore bien plus depravé depuis cet écrivain, soit par les grotesques que Morto peintre a mis en usage, soit par d’autres idées de caprice qui ne sont pas mieux raisonnées. Des trophées & des armures employés à décorer une maison de chasse sont aussi déplacés, que Ganimede & l’aigle, Jupiter & Léda qu’on voit sur les reliefs des portes de S. Pierre de Rome. Les colifichets & les coquillages de fantaisie dont on croit aujourd’hui décorer les appartemens, sont aussi peu naturels, que les lustres du tems de Vitruve, que l’on chargeoit de petits châteaux & de petits palais.

Ornement, (terme de Peinture.) ce mot se dit en général des peintures dont on orne nos appartemens, & en particulier de celui d’une galerie pour servir d’accompagnement au sujet principal, au tableau principal, sans en faire cependant partie. Notre goût d’ornemens en peinture n’est pas moins gâté qu’en architecture. Dans nos plafonds, par exemple, & dans nos dessus de portes, on ne se propose ordinairement d’autre but, que celui de couvrir des places vuides, qui ne pouvoient pas être entierement chargées de dorures. Non-seulement ces peintures n’ont aucun rapport à l’état & à la situation du possesseur, mais souvent même elles présentent des idées qui lui sont préjudiciables ; cependant l’horreur du vuide remplit les murs de peintures vuides de sens. (D. J.)

Ornemens, distribution d’ (Archit. Décor.) c’est l’espacement égal des ornemens, & figures pareilles & répétées dans quelque partie d’architecture, comme dans la frise dorique, la distribution des triglyphes & métopes ; dans la corniche corinthienne, celle des modillons, &c. Daviler.

Ornemens, (Hydraul.) ce sont les figures, les vases, les consoles, les pilastres, les arcades, les masques, les glaçons, les coquillages & autres morceaux d’architecture qui décorent les fontaines & les cascades. (K)

Ornement, terme de Blason, se dit de tout ce qui est hors de l’écu, comme les timbres, les bourlets, les lambrequins, les cimiers, les suppots, colliers, manteaux, pavillons, &c.