L’Encyclopédie/1re édition/ONONYCHITE

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ONONYCHITE, s. m. (Théolog.) terme qui signifie à la lettre ce qui a les piés d’un âne. Ce mot est formé du grec ὄνος, âne, & d’ὄνυξ, sabot, ongle.

Ononychite étoit le nom injurieux que les payens donnerent dans le premier siecle au Dieu des Chrétiens, si l’on en croit Tertullien dans son apologétique, parce que ceux-ci adoroient & reconnoissoient le même Dieu que les Juifs.

Mais sur quel fondement les payens prétendoient-ils que les Juifs adoroient un âne, ou un dieu qui eût des piés d’âne ? c’est ce que nous allons examiner dans cet article.

Les payens, qui n’ont jamais eu qu’une idée fort imparfaite, ou même très-fausse de la religion des Juifs, leur ont imputé sans preuve cette extravagante idolâtrie. Appion le grammairien dit que les Juifs adoroient une tête d’âne, & il avance que lorsqu’Antiochus Epiphanes pilla le temple de Jérusalem, il y trouva une tête d’âne qui étoit d’or, & d’un assez grand prix, & qui étoit adorée par les Juifs. Josephe l’historien, qui rapporte cette calomnie, liv. II. contr. Appion ch. iij. la réfute en montrant que les Juifs n’ont jamais adoré aucun des animaux.

Diodore de Sicile raconte (eclog. ex l. XXXIV. pag. 901 & 902) qu’Antiochus étant entré dans l’intérieur du temple, y trouva une statue de pierre représentant un homme avec une grande barbe, & monté sur un âne, & qu’il jugea que cette figure représentoit Moïse. Mais que conclure du récit d’un historien si mal informé ?

Tacite (histoir. liv. V.) dit que Moïse & son peuple ayant été chassés de l’Egypte, parce qu’ils étoient infectés de lepre, se retirerent dans le desert d’Arabie, où ils étoient près de périr de soif, lorsqu’ils virent une troupe d’ânes sauvages qui entroient dans un bois fort touffu, ce qui fit soupçonner à Moïse qu’ils alloient chercher à s’y désaltérer. Il les y suivit, & trouva en effet de fort belles sources d’eau, qui lui servirent à lui & à sa troupe à étancher leur soif. Tacite ajoute qu’en reconnoissance les Juifs consacrerent une figure de cet animal dans leur sanctuaire, & qu’ils l’adoroient.

D’autres prétendent qu’on les accusa de cette idolâtrie parce qu’ils n’immoloient point d’ânes ; & quelques-uns enfin en ont donné pour raison que l’urne d’or à deux anses, dans laquelle on conservoit la manne dans le tabernacle, avoit la figure de la tête d’un âne ; mais ces deux dernieres raisons sont aussi frivoles que les deux premieres sont mal-fondées. La narration de Tacite, quoique dénuée de preuves, paroît être la source de ce préjugé des étrangers contre les Juifs ; & les payens qui confondoient souvent avec ceux-ci les premiers chrétiens, ne balancerent pas à leur attribuer ce culte extravagant, pour les rendre ou odieux ou ridicules. Voyez Reland, dissert. in numismat. Samarit. & Tacite, loc. cit.