L’Encyclopédie/1re édition/OECUMENIQUE

ŒCUMENIQUE, adj. (Théologie.) c’est-à-dire général ou universel, dérivé d’οἰκουμενα, la terre habitable ou toute la terre, comme qui diroit reconnu par toute la terre.

Ainsi nous disons un concile œcumenique, c’est-à-dire auquel les évêques de toute l’église chrétienne ont assisté ou du-moins ont été convoqués. Voyez Concile. Les Affricains ont cependant quelquefois donné ce nom à des conciles composés des évêques de plusieurs provinces.

Ducange observe que plusieurs patriarches de Constantinople se sont arrogés la qualité ou le titre de patriarches œcumeniques, & voici à quelle occasion. Les prêtres & les diacres de l’église d’Alexandrie présentant leur requête au concile genéral de Chalcédoine, tenu en 451, auquel saint Léon présidoit, par ses légats, donnerent ce titre au pape lorsqu’ils s’adresserent à lui, en ces termes, comme s’il eût été présent : Au très-saint & très-heureux patriarche œcumenique de la grande Rome, Léon ; & précédemment en 381, le premier concile de Constantinople ayant statué que l’évêque de Constantinople auroit les prérogatives d’honneur après l’évêque de Rome, parce qu’elle étoit la nouvelle Rome, les patriarches de cette derniere ville prirent aussi le titre de patriarches œcumeniques, sous prétexte qu’on l’avoit donné à saint Léon, quoiqu’on ne lise nulle part que celui-ci l’ait accepté. Dès l’an 518 Jean III. évêque de Constantinople, fut appellé patriarche œcumenique : en 536 Epiphane prit le même titre ; & enfin Jean VI. surnommé le jeûneur, le prit encore avec plus d’éclat dans un concile général de tout l’Orient qu’il avoit convoqué sans la participation du pape Pelage II. qui condamna en vain toutes ces démarches, puisque les successeurs de Jean le jeûneur conserverent toûjours ce titre, & qu’on en vit encore un le prendre au concile de Bâle.

Le pape saint Grégoire le grand fut extrèmement irrité de cette conduite des patriarches de Constantinople, & prétendit que le titre dont ils se paroient étoit un titre d’orgueil & un caractere de l’antechrist. En effet, le terme d’œcumenique est équivoque ; car en disant patriarche œcumenique ou universel, ou peut entendre celui dont la jurisdiction s’étend universellement par tout le monde en ce qui regarde le gouvernement général de l’église, ou celui qui seroit seul évêque & patriarche dans le monde, tous les autres n’étant dans l’Église que ses vicaires ou substituts ; ou enfin celui qui a pouvoir sur une partie considérable de la terre, en prenant la partie pour le tout, par une figure assez commune à l’Ecriture, qui par cette expression οἰϰουμένη n’entend quelquefois que tout un pays. Le premier de ces trois sens, qui est le plus naturel, est celui qu’adopta le concile de Chalcédoine, quand il permit qu’on donnât ce titre à S. Léon, à cause de sa primauté d’honneur & de jurisdiction sur toute l’Église. Les patriarches de Constantinople le prenoient dans le troisieme sens, en qualité de chefs de l’Église d’Orient, mais après le pape, de la même maniere que le premier docteur de l’église de Constantinople s’appelloit docteur pneumonique. Pour le second sens, ce n’a été ni celui des péres du concile de Chalcédoine, ni celui des patriarches de Constantinople. Il semble pourtant que saint Grégoire, par une erreur de fait, le leur attribue, puisqu’il n’appelle le titre de patriarche œcumenique un blaspheme contre l’évangile & contre les conciles, que parce que, selon lui, quiconque se disoit patriarche œcumenique, se disoit seul évêque, & privoit tous les autres de leur dignité, qui est d’institution divine. Il est aussi fort probable que les Grecs ou n’expliquerent point ou expliquerent mal leur intention, ce qui fit prendre aux papes cette expression en mauvaise part. Aujourd’hui tous les patriarches grecs prennent le titre d’œcumeniques, ce qui n’emporte qu’une universalité partielle & restreinte à leurs patriarchats respectifs. Ducange, glossar. lat.