L’Encyclopédie/1re édition/OBSIDIONALE, couronne

OBSIDIONALE, couronne, (Antiq. rom.) Cette couronne s’accordoit pour récompense à celui qui avoit obligé les ennemis de lever le siege d’une ville ou d’un camp, qu’ils assiégeoient : elle n’étoit composée que de gazon, pris dans le lieu même d’où l’on avoit fait lever le siege. Pline, liv. XXII. c. xxxiv, dit que cette couronne, toute méprisable qu’elle étoit en apparence, se préféroit à toutes les autres couronnes, quelque précieuses qu’elles fussent ; parce que les troupes la donnoient au général qui les avoit délivrées, & que les autres couronnes étoient distribuées par le général aux soldats, ou par les soldats à leurs camarades. (D. J.)

Obsidionale, (Monnoie.) On appelle ainsi des pieces de monnoie frappées dans une ville assiégée, pour suppléer pendant le siege, au défaut ou à la rareté des especes.

Ce mot est dérivé du latin obsidio qui signifie siege d’une place de guerre. L’usage de frapper des monnoies particulieres, qui pendant le siege ont cours dans les villes assiégées, doit être fort ancien, dit M. de Boze, puisque c’est la nécessité qui l’a introduit. En effet, ces pieces étant alors reçues dans le commerce pour un prix infiniment au-dessus de leur valeur intrinseque, c’est une grande ressource pour les commandans, pour les magistrats, & même pour les habitans de la ville assiégée.

Ces sortes de monnoies se sentent ordinairement de la calamité qui les a produites : elles sont d’un mauvais métal & d’une fabrique grossiere. Il y en a de rondes, d’ovales, de quarrées, d’autres en losange, & d’autres en octogone, en triangle, &c. leur type & leurs inscriptions n’ont pas des regles plus certaines. Les unes sont marquées des deux côtés, mais cela est rare ; d’autres n’ont qu’une seule marque. On y trouve quelquefois le nom de la ville assiégée ou ses armes, ou celles du souverain, ou celles du gouverneur avec le millésime, & d’autres chiffres qui dénotent la valeur de la piece.

Les plus anciennes monnoies obsidionales qu’on connoisse, ont été frappées en Italie au commencement du xvj. siecle, aux sieges de Pavie & de Cremone, sous François I. On en frappa depuis à Vienne assiégée par Soliman, & à Nycosie en Chypre assiégée par les Turcs en 1570.

Dans les guerres des Pays-bas, après leur révolte contre l’Espagne, on en frappa à Harlem, à Leyde, à Middelbourg, &c. Celle de Campen en 1578, est marquée des deux côtés, & porte dans l’un & dans l’autre, le nom de la ville, le millésime, la note de la valeur de la piece, & au-dessus ces deux mots, extremum subsidium, ce qui revient assez au nom de pieces de nécessité qu’on leur donne en Allemagne.

Au reste, ce ne sont pas proprement des monnoies autorisées par la loi & l’usage : elles en tiennent lieu à la vérité pendant quelque tems ; mais au fond on ne doit les regarder que comme des especes de mereaux, ou de gages publics de la foi & des obligations contractées par le gouverneur ou par les magistrats dans des tems aussi difficiles que ceux d’un siege.

Elles peuvent donc être marquées du nom & des armes d’un gouverneur ; mais il seroit plus convenable d’y mettre le nom du prince, comme firent deux gouverneurs d’Aire, l’un espagnol, l’autre françois, qui firent mettre le nom de Louis XIII. & celui de Philippe IV. sur la monnoie qu’ils firent frapper dans cette ville pendant les deux différens sieges qu’elle soutint en 1641. Il faut se donner de garde de confondre ce qu’on appelle monnoie obsidionale avec les médailles frappées à l’occasion d’un siege, de ses divers événemens, ou de la prise d’une ville. Mém. de l’acad. des Bell. Léttr. tom. I.