L’Encyclopédie/1re édition/OBSESSION du démon

OBSESSION du démon. (Théol.) On distingue l’obsession de la possession du démon, en ce que dans la possession, l’esprit malin est entré dans le corps de l’homme, & ne le quitte point, soit qu’il le tourmente & l’agite toujours, soit qu’il lui nuise seulement par intervalles. L’obsession, au contraire, est lorsque le démon, sans entrer dans le corps d’une personne, la tourmente & l’obsede au-dehors, à peu près comme un importun qui suit & fatigue un homme de qui il a résolu de tirer quelque chose. Les exemples d’obsession sont connus dans l’Histoire & dans l’Ecriture-sainte.

Il faut mettre au rang des obsessions ce que le Ier. liv. des Rois, c. xvj. v. 23. raconte de Saül qui de tems en tems étoit agité du mauvais esprit ; de même que ce qui est rapporté dans le livre de Tobie, du démon Asmodée qui faisoit mourir tous les maris qui vouloient approcher de Sara, fille de Raguel. Ce mauvais esprit obsédoit proprement cette jeune fille ; mais il n’exerçoit sa malice que contre ceux qui vouloient l’épouser. Il est aussi fort probable que ceux dont il est parlé dans S. Matthieu, c. iv. 24. & c. xvij. 14, & qui étoient principalement tourmentés pendant les lunaisons, étoient plutôt obsédés que possédés.

On regarde à bon droit, tant les obsessions que les possessions du démon, comme des punitions de la justice de Dieu, envoyées ou pour punir des péchés commis, ou pour s’être livré au démon, ou pour exercer la vertu & la patience des gens de bien ; car on sait qu’il y a des personnes obsédées, qui ont vécu d’une maniere très-innocente aux yeux des hommes.

Les marques de l’obsession sont, d’être élevé en l’air, & ensuite d’être rejetté contre terre avec force, sans être blessé ; de parler des langues étrangeres, qu’on n’a jamais apprises ; de ne pouvoir dans l’état de l’obsession, s’approcher des choses saintes, ni des Sacremens ; d’en avoir de l’aversion, jusqu’à n’en pouvoir entendre parler ; de connoître & de prédire des choses cachées, & de faire des choses qui surpassent les forces ordinaires de la personne ; si elle dit ou fait des choses qu’elle n’oseroit ni faire ni dire, si elle n’y étoit poussée d’ailleurs, & si les dispositions de son corps, de sa santé, de son tempérament, de ses inclinations, &c. n’ont nulle proportion naturelle à ce qu’on lui voit faire par la force de l’obsesion ; si les meilleurs remedes n’y font rien ; si le malade fait des contorsions de membres extraordinaires, & que ses membres après cela se remettent dans leur état naturel sans violence & sans effort, tous ces symptomes ou une partie d’entr’eux peuvent faire juger qu’une personne est réellement obsédée du démon.

L’Eglise ne prescrit point d’autres remedes contre ces sortes de maux que la priere, les bonnes œuvres, les exorcismes ; mais elle ne condamne pas les moyens naturels que l’on peut employer pour calmer les humeurs & diminuer les mauvaises dispositions du corps du malade, par exemple, la mélancolie, la tristesse, les humeurs noires, la bile, le défaut de transpiration, l’obstruction de certaines parties, & tout ce qui peut corrompre ou épaissir ou aigrir le sang & les humeurs. Aussi voyons-nous que Saül étoit notablement soulagé dans les accès de son mal, par le son des instrumens de musique que David touchoit devant lui. On a d’autres expériences de pareilles guérisons opérées par des herbes, des fumigations, des essences. Calmet, Dictionn. de la Bible.