L’Encyclopédie/1re édition/NOMENCLATEUR

◄  NOMEN
NOMENTE  ►

NOMENCLATEUR, s. m. (Hist. nat.) les nomenclateurs dans l’histoire naturelle, sont les savans qui ont employé leurs veilles à établir les vrais noms des plantes, des poissons : des oiseaux, des quadrupedes, des fossiles, leurs synonymes & leurs étymologies. C’est un travail sec & pénible ; mais qui est très-utile pour servir de concordance dans la lecture des naturalistes anciens & modernes. (D. J.)

Nomenclateur, (Usages des Rom.) en latin nomenclator, en grec ὀνοματολογος, diseur de noms. Le nomenclateur étoit celui qui disoit le nom de chaque citoyen au candidat, lorsqu’il venoit solliciter les suffrages du peuple pour la charge qu’il desiroit d’obtenir.

Il faut savoir que dès que le magistrat avoit permis à un candidat de se mettre sur les rangs pour quelque emploi, alors le candidat se rendoit sur la place en robe blanche lustrée, pour se faire voir & flatter le peuple ; cela s’appelloit prensare honores, parce qu’il ne manquoit pas de prendre les mains de chaque citoyen, & de lui faire mille caresses ; c’est pourquoi Ciceron nomme les candidats, les gens les plus polis du monde, officiosam nationem candidatorum.

Le candidat courtisoit ainsi le peuple deux ans avant que la charge qu’il desiroit fût vacante. Le jour des comices arrivé, il faisoit sa demande dans les formes ; & conduit par ses amis, il se plaçoit sur un monticule, appellé collis hortulorum, vis-à-vis le champ de Mars, afin d’être vu de toute l’assemblée. Comme c’étoit une marque d’estime de nommer chacun par son nom en le saluant, & que les candidats ne pouvoient pas eux mêmes savoir le nom de tous les Romains qui donnoient leurs suffrages, ils menoient avec eux des esclaves, qui, n’ayant eu d’autre occupation toute leur vie que d’apprendre les noms des citoyens, les savoient parfaitement, & les disoient à voix basse aux candidats. Ces esclaves étoient appellés nomenclateurs : c’est d’eux qu’Horace parle dans son épit. 6. l. L. v. 49.

Si fortunatum species & gratia præstat,
Mercemur servum qui dictet nomina, lœvum
Qui fodicet latus, & cogat transpondera dextram
Porrigere, hic multum in fabia valet, ille velind.

Si c’est le faste & le crédit qui puissent vous rendre heureux, achetez un esclave qui vous apprenne les noms de ceux qui se présentent, & qui vous tire doucement par le bras, pour vous avertir de tendre la main à ceux qui passent, même au milieu des plus grands embarras, & qui vous dise tout bas, celui-ci dispose des suffrages dans la tribu fabienne, celui-là est tout puissant dans la tribu véline.

Disons tout aussi, puisque nous en sommes sur cette matiere. Les candidats, pour mieux réussir dans leurs projets, avoient, outre les nomenclateurs, d’autres gens à eux appellés distributeurs, divisores, qui distribuoient de l’argent à chacun, pour obtenir sa voix. Ils avoient encore des hommes intelligens appellés sequestres ou entremetteurs, en grec, μεσογενύοι, qui se chargeoient de gagner les suffrages du peuple, & tenoient en dépôt chez eux les sommes d’argent promises. Enfin, il y avoit des gens appellés interpretes, dont on se servoit préalablement pour traiter des conventions du prix des suffrages. C’est ainsi que sur la fin de la république, les charges & les magistratures se vendoient au plus offrant. O ville vénale, s’écrioit Jugurta, pour qui pourroit t’acheter ! (D. J.)