L’Encyclopédie/1re édition/NICOPOLIS

NICOPOLIS, (Géog.) ce mot signifie ville de la victoire, ville fondée à cause de la victoire. Romulus, Bacchus, & Castor bâtirent des villes dans les lieux où ils avoient triomphé, ou établirent des colonies dans les lieux dont ils avoient chassé les anciens habitans ; c’est ce que Pompée, César, Auguste, Titus, Trajan & autres empereurs imiterent, en donnant aux villes qu’ils éleverent le nom de Nicopolis. C’est pourquoi nous trouvons dans l’histoire plusieurs villes de ce nom. Nous allons tâcher de les distinguer avec exactitude.

Nicopolis, (Géog. anc.) ville de la Grece, dans l’Epire, à l’entrée du golfe d’Ambracie, sur la côte septentrionale, à l’opposite de la ville d’Actium. Cette ville doit sa fondation à Auguste, qui la fit bâtir pour être le monument de la victoire qu’il avoit remportée sur Antoine à la celebre journée d’Actium.

Ce fait historique est marqué par deux médailles, qui représentent toutes deux d’un côté la tête d’Auguste, avec cette inscription grecque, Σεβαστὸς κτίστης, Auguste fondateur ; & au revers, l’une a au milieu d’une couronne à becs de vaisseau une palme avec ces mots, Ἱερὰ Νικόπολις, la sacrée Nicopolis : & l’autre à la tête d’un sanglier percée de deux flèches avec ce mot autour Νεικοπόλεως, Nicopoleos. C’étoit la tête du sanglier calydonien, qui étoit gardée à Tégée dans le temple de Minerve, & qu’Auguste fit transporter à Nicopolis, pour punir ceux de Tégée d’avoir suivi le parti d’Antoine.

Ce prince n’oublia rien pour rendre sa nouvelle ville recommandable dès les commencemens. Strabon, liv. VII. p. 325. dit qu’il y attira les habitans des villes voisines ; & Pausanias nous a conservé le nom de deux peuples qu’il rassembla ; il les appelle Ambraciotæ & Anactorii. Pline, liv. IV. ch. v. nomme la Nicopolis d’Epire, ville libre : Tacite, annal. liv. V. ch. x. lui donne le nom de colonie romaine. Comme il y avoit deja plusieurs villes nommées Nicopolis ; pour distinguer celle-ci, on l’appella Achaiæ Nicopolis, ou Actia Nicopolis.

S. Paul passa dans cette ville l’hiver de l’an 64 de J. C. & manda à Tite de l’y venir trouver. Tit. iij. v. 12. Ceux qui croient que la ville de Nicopolis, ou S. Paul passa l’hiver, n’étoit pas celle de l’Epire, mais la Nicopolis de Thrace à l’entrée de la Macédoine, sur la riviere de Nesse, se trompent ; car cette derniere n’existoit pas encore. La Nicopolis d’Auguste se nomme aujourd’hui Prevesa, sur le golfe de Larta.

Nicopolis, ou Nicopolis ad Haemum, (Géog. anc.) ville de la Thrace au pié du mont Hémus, vers la source du fleuve Jatrus. Elle étoit différente d’une autre Nicopolis aussi dans la Thrace, sur la riviere de Nesse, dont nous parlerons bientôt.

Nicopolis, (Géog. anc.) ville de la basse-Mæsie sur l’Iatrus, à l’embouchure de ce fleuve dans le Danube. Pour la distinguer de Nicopolis sur l’Hémus, bâtie aussi sur l’Iatrus ; on l’appelloit Nicopolis ad Istrum. Trajan en fut le fondateur, selon Ammien Marcellus, liv. XXXI. ch. xvj. & il la bâtit après sa victoire sur les Daces.

Nicopolis, ou Nicopolis ad Nessum, (Géog. anc.) ville de la Thrace sur la riviere de Nesse ou Neste, à la gauche, à quelques lieues au-dessus de son embouchure. Elle fut fondée par Trajan. Ptolomée, liv. III. ch. xj. la place dans les terres entre Pantalia & Topiris. Nous avons quelques anciennes médailles de cette ville ; elle y est surnommée Ulpia ou Olpia, ce qui revient à la même chose. car quelquefois dans les médailles on met Ο pour Ω.L’inscription d’une de ces médailles qui se trouve dans le recueil de Spanheim, est conçue en ces termes. Οὐλπ. Νικοπόλεος πρὸς Νεστο., c’est-à-dire Ulpiæ Nicopoleos ad Nestum.

Nicopolis, (Géog. anc.) ville d’Egypte aux environs d’Alexandrie. Joseph de Bello Jud. liv. IV. ch. xiv. parle de cette ville en décrivant la route que prit Titus pour se rendre d’Alexandrie en Judée, & il la met à vingt stades de cette derniere ville. Dion Cassius, liv. XV. p. 456. nous apprend qu’Auguste en fut le fondateur ; qu’il la bâtit dans le lieu où il avoit donné la bataille ; qu’il lui donna le même nom, & lui accorda le privilege des mêmes jeux qu’il avoit accordés à la ville de Nicopolis en Epire.

Nicopolis, (Géog. anc.) ville de l’Arménie mineure. Strabon nous apprend qu’elle fut bâtie par Pompée. Pline, l. VI. c. ix. & Ptolomée, liv. V. ch. vij. en parlent. Ce dernier la met au voisinage des montagnes. Pour la distinguer des autres Nicopolis, on l’appella Nicopolis Pompeii, du nom de son fondateur, comme nous l’apprenons de Dion Cassius, liv. XLIX. Dans le moyen âge elle fut la seconde ville de la premiere Arménie, & devint un siege épiscopal, suffragant de Sébaste. On la nomme maintenant Gianich ; elle est sur la riviere de Céraune, à 100 lieues d’Erzérom, 90 de Cagny ; c’est un siege de justice & de gouvernement chez les Turcs. Long. 55. 30. lat. 38. 15.

Nicopolis, (Géog. anc.) ville de Bithynie sur le Bosphore, ou du moins dans le voisinage. Pline & Etienne le Géographe sont les seuls anciens qui fassent mention de cette ville ; & ce dernier se contente de l’appeller Nicopolis de Bithynie. Le P. Hardouin prétend que c’est aujourd’hui Scutari.

Nicopolis, (Géog. anc.) ville de l’Asie mineure. Ptolomée, l. V. ch. viij. la place entre Castabola & Epiphania. Strabon, liv. XIV. p. 676. la met au nombre des villes qui sont sur la côte du golfe Issus.

Nicopolis, (Géog. anc.) auparavant nommée Emmaüs ; ville de la Palestine. Elle commença, selon quelques auteurs, à porter le nom de Nicopolis sous l’empereur Alexandre, fils de Mammée. Ce n’étoit avant cela qu’un bourg qu’on nommoit Emmaüs. Selon Sosomène, Vespasien l’érigea en ville, en lui donnant le nom de Nicopolis, lorsqu’il y eut envoyé une colonie. Ce bourg avoit été brûlé par Varus, & la ville devint évêché sous les empereurs chrétiens.