L’Encyclopédie/1re édition/NICOMÉDIE

NICOMÉDIE, (Géog. anc. & mod.) ville d’Asie, capitale & métropole de la Bithynie, sur la Propontide, entre Chalcédoine & Nicée ; elle est aujourd’hui nommée Comidia par les Italiens.

Nicomède, grand-pere de Prusias, la bâtit vis-à-vis d’Astaque, & lui donna son nom. Cette ville plus d’une fois assiégée, éprouva les malheurs de la guerre, jusqu’à ce qu’une colonie d’Athéniens étant venus la repeupler, elle se releva de ses pertes, & devint très-florissante.

Ce fut à Nicomédie qu’Annibal, après avoir perdu la bataille de Zama, se réfugia vers Antiochus & Prusias, rois de Bithynie : cependant cet infortuné capitaine, craignant que ces princes ne le remissent entre les mains des Romains qui l’avoient envoyé demander, se donna la mort à l’âge de 64 ans, 183 ans avant J. C.

Ammian Marcellin appelle Nicomédie la mere des villes de Bithynie. Pausanias dit que c’étoit la plus grande des villes de ce royaume. Pline l’historien lui donne le titre d’Urbs præclara ; & Pline son neveu, qui fut préteur de Bithynie, ne parle pas de cette ville avec moins d’éloge.

Elle a été une des premieres qui ait reçu la foi chrétienne ; & c’est par celle que commença la persécution sous Dioclétien. Ce fut près de cette ville dans un bourg nommé Acciron, que Constantin, âgé de 66 ans, mourut d’une fievre chaude l’an de J. C. 340. Quelques auteurs prétendent que cet empereur avoit alors adopté l’arianisme, & qu’il étoit venu à Nicomédie, où il reçut le second bâpteme que les Ariens exigeoient.

Quoi qu’il en soit, Nicomédie disputa long-tems à Nicée la primatie de la province de Bithynie. Mais l’un & l’autre sont également tombées sous la puissance de l’empire ottoman.

Nicomédie est toujours une ville considérable d’Asie, dans la Natolie, capitale de Becsangial, avec un archevêque grec, suffragant de Constantinople. On y compte 25 à 30 mille ames grecs, arméniens, juifs & turcs, qui y commercent. Elle est située très-avantageusement pour le trafic sur le golfe du même nom ; & elle couvre tout le penchant d’une petite colline embellie de fontaines, & chargée d’arbres fruitiers, de vignes, & de grains. On y trouvoit encore en inscriptions dans le dernier siecle, de quoi satisfaire sa curiosité.

La plupart des vaisseaux, saïques, barques & autres bateaux des marchands de Constantinople, se fabriquent à Nicomédie ; mais les turcs ne réussissent pas mieux dans la construction des bâtimens de mer, que dans l’architecture civile & militaire.

Cette ville est à 14 lieues N. O. d’Isnich, 20 S. E. de Constantinople. Long. 47. 28. long. 40. 46.

Arrien, célèbre philosophe & historien, né à Nicomédie, fleurissoit sous les empereurs Adrien, Antonin & Marc-Aurele. Il fut dans sa partie prêtre de Cérès & de Proserpine. Epictète l’instruisit dans la morale ; & son mérite éminent lui valut l’amitié de Pline le jeune. Adrien lui donna le commandement de la Cappadoce, dans lequel il se distingua par ses talens militaires.

Nous avons de lui en 7 livres une histoire d’Alexandre le Grand ; la bonne édition est Lugd. Batav. en 1740, in-fol. Nous avons une traduction françoile par M. d’Ablancourt. A Paris, chez Augustin Courbé, 1651, in-8°. Elle est fort bonne. Il n’y a que quelques expressions qui ont un peu vieilli. C’est un ouvrage très-estimable que celui d’Arrien, quoiqu’on n’y trouve point ces graces & cette douceur dans le style, qui ont pu faire appeller son auteur un second Xenophon. Il écrivit plusieurs autres ouvrages qui ne nous sont pas parvenus. Photius le fait auteur d’une histoire de Bithynie, d’une histoire des Alains, & d’une histoire des Parthes, en 17 livres, dont on doit regretter la perte. (D. J.)