L’Encyclopédie/1re édition/NEVERS

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NEVERS, (Géog.) ville de France, capitale du Nivernois, avec titre de duché, un ancien château, & un évêché suffragant de Sens. Elle est bâtie en forme d’amphitéâtre sur la Loire, qui y passe sous un pont au bout duquel est une levée du côté de Moulins. Nevers est à 12 lieues N. O. de Moulins, 10 S. E. de Bourges, 30 S. E. d’Orléans, 34 S. O. de Dijon, 55 S. E. de Paris. Long. 20. 49′. 25″. latit. 59. 13.

Nevers n’est point la Noviodunum de César, située dans le pays des Eduens ; son plus ancien nom est celui de Nivernum, qui a été formé à cause de la riviere de Nievre, qui se jette en cet endroit dans la Loire.

Après l’irruption des Barbares, Nevers resta sous la domination de ceux auxquels Autun appartenoit, & ce ne fut qu’ensuite qu’il fut érigé en cité & en ville épiscopale depuis le regne de Clovis. Après le déclin de la race de Charlemagne, les gouverneurs s’étant rendu absolus dans les villes où ils commandoient, le comte Guillaume devint propriétaire du comté de Nevers vers le milieu du x. siecle, sous le regne de Lothaire.

François de Cleves fut le premier duc de Nevers, après que cette ville eut été érigée en duché par François I. Le comté de Nevers est la premiere pairie créée en faveur d’un prince étranger.

On ne compte dans Nevers qu’environ 7000 ames, & son principal commerce consiste en verrerie & en fayance.

Cette ville a produit au xvj. siecle un célebre avocat du parlement de Paris, Marion (Simon), qui devint président aux enquêtes, puis avocat général. M. de Thou & les autres savans de son tems, en font les plus grands éloges. Les plaidoyers qu’il mit au jour en 1594, ne sont point tombés dans l’oubli. Il mourut à Paris en 1605, âgé de 65 ans.

Marigny (Jacques Carpentier de), poëte françois du xvij. siecle, étoit de Nevers ; il avoit beaucoup voyagé, & embrassa le parti de M. le prince de Condé. Son poëme du pain-beni renferme une satyre assez délicate contre les marguillers de Saint Paul, qui vouloient le forcer à rendre le pain-beni. Gui-Patin s’est trompé en lui attribuant le traité politique contre les tyrans, vindiciæ contra tyrannos. Il mourut à Paris en 1670.

Ravisius-Textor, grammairien françois du xv. siecle, étoit aussi natif de Nevers. On estimoit encore ses ouvrages au commencement du siecle suivant, parce que la France sortoit à peine de la barbarie. Il mourut à Paris en 1522.

Mais il ne faut pas oublier Billaut (Adam), connu sous le nom de maître Adam, menuisier de Nevers sa patrie, vivant sur la fin du regne de Louis XIII. Cet homme singulier, sans lettres & sans études, devint poëte dans sa boutique. On l’appelloit de son tems le Virgile au rabot. En effet, ses principaux ouvrages sont le rabot, les chevilles, le vilebrequin, & les autres outils de son métier. Enfin, dit M. de Voltaire, on ne peut s’empêcher de citer de lui le rondeau suivant, qui vaut mieux que beaucoup de rondeaux de Benserade.

Pour te guérir de cette sciatique,
Qui te retient comme un paralitique
Entre deux draps sans aucun mouvement ;
Prends-moi deux brocs d’un fin jus de sarment,
Puis lis comment on les met en pratique :
Prends-en deux doigts & bien chaud les applique
Sur l’épiderme où la douleur te pique,
Et tu boiras le reste promptement
Pour te guérir.
Sur cet avis ne sois point hérétique ;
Car je te fais un serment autentique
Que si tu crains ce doux médicament,
Ton médecin, pour ton soulagement,
Fera l’essai de ce qu’il communique
Pour te guérir.

Maître Adam étant venu à Paris pour un procès, au lieu de plaider, fit des vers à la louange du cardinal de Richelieu, dont il obtint une pension. Gaston, frere de Louis XIII. répandit aussi sur lui ses liberalités. Il mourut en 1662. (D. J.)