L’Encyclopédie/1re édition/NENIES

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NENIES, s. f. (Hist. anc.) chants lugubres qu’on avoit accoutumé de faire aux funérailles, ainsi nommés de la déesse Nænia, qui présidoit à ces sortes de lamentations. On croit que ces chants étoient les louanges de la personne qui venoit de mourir, mises en vers & chantées d’un son triste, avec un accompagnement de flûtes, par des femmes gagées à cet effet, & que l’on appelloit præficæ. Il falloit qu’elles eussent un protocole & des lieux communs applicables, suivant l’âge, le sexe, la condition des personnes ; & comme tout cela se réduisoit le plus souvent à des puérilités & des bagatelles, on emploie ce mot en latin pour signifier des niaiseries. Ceux qui ont attribué l’origine des nénies à Simonides, ont pris ce mot dans un sens trop étendu, & l’ont confondu avec l’élégie, genre noble, sérieux & délicat, dont on attribue l’invention à ce poëte. Ovide fait venir le mot de nénies du grec νείατον, dernier, parce que ces chants étoient les derniers qu’on faisoit en l’honneur du mort. Mais Acron prétend que ce mot nænia fut inventé pour exprimer, par sa prosodie longue & traînante, le son triste & dolent, soit des chanteuses, soit des flûtes qui servoient non-seulement à accompagner les voix, mais encore à marquer les tems ou les pleureuses publiques devoient se frapper la poitrine en cadence.

Ce mot vient du grec νηνία, sur quoi Scaliger observe qu’il devroit s’écrire en latin nenia & non nænia. Guichard remarque qu’on entendoit autrefois par nænia une espece de chant dont les nourrices se servoient pour bercer & pour endormir les enfans ; & il conjecture que ce mot pourroit venir de l’hébreu nin, enfant.

La déesse Nænia, qui présidoit aux funérailles, étoit particulierement honorée à celles des vieillards. On ne commençoit à l’invoquer que lorsque le malade entroit à l’agonie. Elle avoit un petit temple hors des murs de Rome.