L’Encyclopédie/1re édition/NAZIANCE

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NAZIANCE, (Géog. anc.) petite ville d’Asie dans la Cappadoce, au voisinage de Césarée, dont elle fut suffragante, & depuis érigée en métropole.

Elle est illustrée dans l’Histoire ecclésiastique par toute la famille de saint Grégoire, pere, mere, fils, & fille. Saint Grégoire le pere en fut évêque & y mourut, & sainte None sa femme y fut enterrée auprès de lui. Ils eurent pour enfans, 1°. saint Grégoire fils aîné dont nous parlerons tout-à-l’heure ; 2°. saint Césaire le puîné, qui finit ses jours à Constantinople, mais dont le corps fut rapporté dans le tombeau de la sainte famille ; 3°. sainte Gorgonie leur sœur qui mourut en Isaurie.

Saint Grégoire fils aîné, surnommé saint Grégoire de Naziance, est regardé comme un des plus doctes, & des premiers peres de l’église grecque. Il vint au monde vers l’an 328 de Jesus-Christ, fit ses études à Athènes avec saint Basile son intime ami, s’acquit ensuite une grande célébrité par sa doctrine, & mourut en 391.

Ses Œuvres qui composent cinquante-cinq sermons ou discours, un grand nombre de lettres, & plusieurs pieces de poésie, ont été imprimées en grec & en latin à Paris en 1609, in-fol. 2 volumes. Erasme, M. Dupin, & plusieurs autres théologiens, font de grands éloges de la piété & de l’éloquence de ce pere de l’Eglise. Ils desirent cependant qu’il eût mis plus d’ordre dans sa morale, & qu’il eût évité les antithèses & similitudes trop fréquentes, les pointes & les jeux de mots ; mais ce goût de décadence étoit celui de son tems. M. de Fenelon, archevêque de Cambray, remarque, que les écoles d’Athènes étoient entierement déchues, quand saint Basile & saint Grégoire y allerent, & qu’ayant été instruits par les mauvais rhéteurs de cette ville, ils avoient été nécessairement entraînés dans le préjugé dominant sur la maniere d’écrire.

Au reste, personne n’a mieux connu que saint Grégoire de Naziance, les abus qui regnent dans les synodes & conciles, comme on en peut juger par sa réponse à une invitation qu’on lui fit d’assister à un concile solemnel d’évêques qui devoit se tenir à Constantinople. « S’il faut (répond-il) vous écrire la vérité, je suis dans la résolution de fuir toute assemblée d’évêques, parce que je n’ai jamais vû aucun synode qui ait eu un bon succès, & qui n’ait plûtôt augmenté le mal que de le diminuer ; l’esprit de dispute & celui de domination (croyez que j’en parle sans fiel) y sont plus grands qu’on ne sauroit l’exprimer ; mais les paroles originales » valent bien mieux que ma traduction : les voici. Ἐγὼ μέν οὕτως, ἐι δεῖ τἄληθὲς γράφειν, ᾣστε πάντα σύλλογον-φεύγειν Ἐπισκόπων, ὅτι μηδεμίας Συνόδου τέλος εἶδον κρηστόν : μηδὲ λύσω καχῶν μᾶλλον έσχεκυίαι, ἢ προθήκην. Αἰ γαρ φιλονεικίαι καὶ φιλαρχίαι (ἀλλ᾽ ὅπως μήτε φορτικὸν ὑπολάϐης οὔτω γράφοντἀ) καὶ λόγου κρείττονες, &c. Ep. lv. tom. I. pag. 814. B.

Il falloit que le mal fût alors bien grand dans les assemblées ecclésiastiques, car on trouve les mêmes protestations & les mêmes plaintes de S. Grégoire répétées ailleurs avec encore plus de force. « Jamais (dit-il dans une de ses poésies) je ne me trouverai dans aucun synode ; on n’y voit que division, que querelles, que mysteres honteux, qui éclatent dans un même lieu, avec des hommes que la fureur domine ».

Ἔνθ’ ἔρις, ἔνθα μόθος τε, αὶ ἄισχια κρυπτὰ πάροιθεν,
Ἔις ἓνα δυσμένεων χῶρον ἀγειρόμενα.
. (D. J.)