L’Encyclopédie/1re édition/MYSTIQUE, Sens

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MYSTIQUE, Sens, (Critiq. sacrée.) explication allégorique d’un événement, d’un précepte, d’un discours, ou d’un passage de l’Ecriture. On ne s’étonnera pas que les anciens peres aient donné dans les explications allégoriques & dans les sens mystiques, si l’on fait attention à l’origine de cette méthode d’interpréter l’Ecriture. On savoit que les anciens sages avoient affecté de cacher la science sous des symboles & des énigmes. Les Egyptiens l’avoient fait, les Orientaux l’avoient fait, les Pythagoriens, les Platoniciens l’avoient fait ; en un mot, les Grecs & les Barbares avoient eu cette méthode d’enseigner : de sorte qu’on ne doutoit pas que Moïse, qui étoit égyptien, ou élevé en Egypte, n’en eût usé de même, & les Prophetes à son exemple. On regardoit même les Philosophes qui cachoient leur science sous des emblêmes enigmatiques, comme les imitateurs de Moïse. On fut aussi persuadé dès les premiers siecles du Christianisme, que Jesus-Christ avoit non-seulement explique Moïse & les Prophetes dans des sens mystiques (de quoi les Evangélistes font foi), mais on crut de plus, qu’avant de monter au ciel, il donna à ses disciples la connoissance de ces sens mystiques de la loi & des Prophetes, lesquels disciples la transmirent par tradition à leurs successeurs. C’est cette science qui est appellée γνῶσις.

Dans le fond, il étoit vrai que Jesus-Christ avoit interprété les Ecritures à ses disciples, quand il fallut les convaincre que sa mort & sa crucifixion avoient été prédites par les divins oracles, & qu’il ne devoit entrer dans sa gloire que par les souffrances. Mais il est très-faux que Jesus-Christ donna la science secrette des sens mystiques à quelques-uns ou à tous ses disciples, pour la transmettre par tradition seulement à leurs successeurs. Ils n’ont point caché ce qu’ils en savoient, témoins les écrits des apôtres, en particulier l’épitre aux Hébreux. Quel étoit donc le sentiment des apôtres & des fideles là-dessus ? Ils ne doutoient pas 1°. que l’Ecriture ne dût être expliquée mystiquement, au moins en plusieurs endroits ; mais ils croyoient 2°. que c’est le saint Esprit qui révéloit aux fideles ces sens mystiques. C’est ce que dit saint Pierre, II. Ep. v. 20. & c’est la science dont parle saint Paul dans son épit. aux Galat. iv. 24. Dès que les dons miraculeux eurent cessé, les allégories ne furent plus que des pensées humaines qui n’ont aucune certitude, & qui pour la plûpart ne sont qu’un jeu de l’imagination. Cependant les peres ne laisserent pas que d’admirer cette maniere d’expliquer l’Ecriture, & de la regarder comme la science sublime des sages & des parfaits. Clément d’Alexandrie vante extrèmement cette science dans le cinquieme livre de ses Stromates, & se persuade sans raison, qu’elle avoit été enseignée par la vérité gnostique. Beausobre. (D. J.)