L’Encyclopédie/1re édition/MULATRE
MULATRE, s. m. & f. (Terme de voyageur.) en latin hybris pour le mâle, hybryda pour la femelle, terme dérivé de mulet, animal engendré de deux différentes especes. Les Espagnols donnent aux Indes le nom de mulata à un fils ou fille nés d’un negre & d’une indienne, ou d’un indien & d’une négresse. A l’égard de ceux qui sont nés d’un indien & d’une espagnole, ou au contraire, & semblablement en Portugal, à l’égard de ceux qui sont nés d’un indien & d’une portugaise, ou au rebours, ils leur donnent ordinairement le nom de métis, & nomment jambos, ceux qui sont nés d’un sauvage & d’une métive : ils different tous en couleur & en poil. Les Espagnols appellent aussi mulata, les enfans nés d’un maure & d’une espagnole, ou d’un espagnol & d’une mauresse.
Dans les îles françoises, mulâtre veut dire un enfant né d’une mere noire, & d’un pere blanc ; ou d’un pere noir, & d’une mere blanche. Ce dernier cas est rare, le premier très-commun par le libertinage des blancs avec les négresses. Louis XIV. pour arrêter ce desordre, fit une loi qui condamne à une amende de deux mille livres de sucre celui qui sera convaincu d’être le pere d’un mulâtre ; ordonne en outre, que si c’est un maître qui ait débauché son esclave, & qui en ait un enfant, la négresse & l’enfant seront confisqués au profit de l’hôpital des freres de la Charité, sans pouvoir jamais être rachetés, sous quelque prétexte que ce soit. Cette loi avoit bien des défauts : le principal est, qu’en cherchant à remédier au scandale, elle ouvroit la porte à toutes sortes de crimes, & en particulier à celui des fréquens avortemens. Le maître pour éviter de perdre tout à-la-fois son enfant & sa négresse, en donnoit lui même le conseil ; & la mere tremblante de devenir esclave perpétuelle, l’exécutoit au péril de sa vie. (D. J.)