L’Encyclopédie/1re édition/MOXA

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MOXA ; (Hist. nat. Médec. & Chirurg.) c’est le nom que les Japonois donnent à une espece de duvet fort doux au toucher, d’un gris de cendre, & semblable à de la filasse de lin. On le compose de feuilles d’armoise pilées, dont on sépare les fibres dures & les parties les plus épaisses & les plus rudes. Cette matîere étant seche, prend aisément le feu, mais elle se consume lentement, sans produire de flamme & sans causer une brûlure fort douloureuse. Il en part une fumée légere d’une odeur assez agréable. Lorsqu’il s’agit d’appliquer le moxa, on prend une petite quantité de cette filasse que l’on roule entre les doigts, pour lui donner la forme d’un cône d’environ un pouce de hauteur. On applique ce cône par sa base, après l’avoir humecté d’un peu de salive sur la partie que l’on veut cautériser, pour qu’il s’y attache plus aisément ; après quoi l’on met le feu au sommet du cône qui se consume peu-à-peu, & finit par faire une brûlure légere à la peau, qui ne cause point une douleur considérable. Quand un de ces cônes est consumé, on en applique un second, un troisieme, & même jusqu’à dix & vingt, suivant l’exigence des cas & suivant les forces du malade. Les Japonois nomment tensasi ou tâteurs, ceux dont le métier est d’appliquer le moxa, parce qu’ils tâtent le corps des malades avant l’opération, pour savoir la partie sur laquelle il faut faire la brûlure ; cette connoissance dépend de l’expérience de l’opérateur. Dans les maux d’estomac on brûle les épaules ; dans les pleurésies on applique le moxa sur les vertebres du dos ; dans les maux de dents on l’applique sur le muscle adducteur du pouce. C’est sur-tout le long du dos que l’on fait cette opération ; celui qui doit la souffrir, s’assied à terre, les jambes croisées, le visage appuyé sur les mains : cette posture est estimée la plus propre à faire découvrir la situation des nerfs, des muscles, des veines & des arteres, qu’il est très-important d’éviter de brûler.

Ce remede est employé très-fréquemment au Japon, même par les personnes en santé, qui le regardent comme un grand préservatif, au point que l’on ne refuse point aux criminels condamnés à la prison, de se faire appliquer le moxa. Selon Kempfer, les Hollandois ont souvent éprouvé l’efficacité de ce remede contre la goutte & les rhumatismes. Ce voyageur croit qu’il ne reussiroit point si bien dans les pays froids que dans les pays chauds où la transpiration forte cause plus de relâchement dans les muscles ; cependant il paroît constant que ce remede procureroit, même parmi nous, de très grands biens, s’il étoit employé à-propos.

Les anciens Médecins se servoient de la filasse de lin, de la même maniere que les Japonois emploient le moxa.