L’Encyclopédie/1re édition/MOUSQUET

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MOUSQUET, s. m. c’est dans l’Art militaire une arme à feu qui étoit en usage dans les troupes avant le fusil, montée de même sur un fût ou bâton, & qui se portoit également sur l’épaule.

Le mousquet differe du fusil, en ce qu’au lieu de la pierre dont on se sert pour faire prendre feu à cette derniere arme, on se sert de meche dans la premiere.

Les mousquets ordinaires sont du calibre de 20 balles de plomb à la livre, & il, reçoivent des balles de 22 à 24. Le canon du mousquet est de trois piés huit pouces, & toute la longueur du mousquet monté est de cinq piés. Sa portée est de 120 jusqu’à 150 toises. Voyez Ligne de défense.

Le mousquet a une platine à laquelle est attachée le serpentin, avec le ressort ou gachette qui le fait mouvoir & le bassinet.

le serpentin tient à la platine par le moyen d’une vis : son extrémité en dehors a deux especes de feuilles formées par une tête de serpent, propres à retenir fixement, à l’aide d’une vis, la meche avec laquelle on met le feu au mousquet. C’est cette tête de serpent qui fait donner à cette piece le nom de serpentin. La partie du serpentin qui se trouve engagée sous la platine, forme une petite gâchette où va répondre la clé. Cette clé est un morceau de fer dispose en équerre ou manivelle, dont un côté tient à la gâchette du serpentin, l’autre se tire avec la main, pour faire tomber la meche du serpentin sur le bassinet, & faire ainsi partir le mousquet.

Le bassinet est fait de quatre pieces de fer posées en saillie sur la platine, vis-à vis la lumiere ou la petite ouverture faite au canon du mousquet pour lui faire prendre feu par le moyen de l’amorce renfermée dans le bassinet. La petite piece inférieure taillée en creux pour recevoir cette amorce, est proprement le bassinet ; celle de dessus s’appelle sa couverture ; la troisieme piece est le garde-feu, & la quatrieme est la vis qui les tient toutes ensemble.

L’équipage du mousquet est à-peu-près le même que celui du fusil, voyez Fusil.

Les mousquets ont été en usage dans les troupes immédiatement après les arquebuses : on en savoit faire dès le tems de François I. car le P. Daniel nous apprend dans son histoire de la milice françoise, qu’au cabinet d’armes de Chantilly on en voyoit un marqué des armes de France avec la salamandre, qui étoit la devise de ce prince. Cependant Brantome prétend que ce fut le duc d’Albe qui les mit le premier en usage dans les armées, lorsque sous le regne de Philippe II. il alla prendre le gouvernement des Pays-Bas, l’an 1567 ; mais cela veut dire seulement, dit l’auteur que nous venons de citer, qu’il les mit plus à la mode qu’ils n’avoient été jusqu’alors, & qu’avant lui on s’en servoit plus rarement, au-moins en campagne.

Les soldats qui étoient armés de mousquets étoient appellés mousquetaires, & c’est cette arme dont les deux compagnies de mousquetaires de la garde du roi furent d’abord armées en France, qui leur a fait donner le nom de mousquetaires, de la même maniere que le premier corps de troupes armé de fusils fut d’abord appellé fusiliers : c’est aujourd’hui le régiment royal-artillerie.

On s’est servi de mousquets dans les troupes jusqu’en 1604 ; mais peu de tems après cette année on leur substitua le fusil. Il y eut différens sentimens, dit M. le maréchal de Puiségur, dans son traité de l’art de la guerre, lorsqu’il fut question de faire ce changement. On disoit qu’avec le mousquet on faisoit plus long-tems feu qu’avec le fusil, qu’il manquoit beaucoup moins de tirer, au lieu que la batterie de fusil étoit sujette à ne pas faire feu, & qu’elle ne pouvoit durer long-tems. Mais s’il est vrai que le mousquet a cet avantage sur le fusil, il est certain aussi que quand la batterie du fusil n’a pas fait feu, on le remet dans le même instant en état de tirer ; il n’en étoit pas de même du mousquet : car outre le tems qu’il falloit pour remettre la meche sur le serpentin, pour la bien faire tenir, la compasser (c’est-à-dire l’arranger de maniere pour qu’elle tombât sur le milieu du bassinet), la souffler, puis souffler sur le bassinet, & ensuite l’ouvrir, s’il faisoit du vent, la poudre n’y restoit pas ; s’il pleuvoit, elle étoit mouillée dans l’instant : mais en faisant abstraction de tous ces inconvéniens, si la meche n’étoit pas bien serrée & bien allumée, on donnoit plusieurs coups de clé sans que la poudre prit ; comme il restoit de la cendre de cette meche dans le bassinet, il falloit attendre qu’elle fût bien éteinte avant que de remettre le mousquet en état de tirer, crainte que l’amorce ne le fît partir. On voit par cet exposé que le mousquet avoit bien des inconvéniens dans le service, lesquels n’étoient point compassés par sa plus grande durée que le fusil. Car comme toutes les actions de campagne demandent plûtôt un feu vif & promptement redoublé qu’un feu lent & de plus de durée, & qu’on tire aisément deux coups de fusil contre un coup de mousquet, il s’ensuit que ce n’est pas sans raison qu’on a donné la préférence au fusil sur le mousquet.

M. de Vauban avoit proposé des armes qui au moyen d’une platine de fusil & de mousquet auroient réuni les avantages de ces deux armes. Il y a eu quelques troupes qui en ont été armées, entr’autres la premiere compagnie du régiment de Nivernois, vers l’an 1688 ; mais cette invention n’a pas été suivie. Voyez Fusil-mousquet.

Mousquet biscayen, c’est dans l’Art militaire un mousquet renforcé, plus long & d’un plus grand calibre que le mousquet ordinaire, & qui porte plus loin. Cette espece de mousquet est susceptible d’une plus grande charge que les autres, parce que l’épaisseur du canon à la culasse le met en état de résister davantage à l’effort de la poudre. Ces mousquets peuvent être fort utiles dans une place de guerre, de même que les fusils des boucaniers. Voyez Armes Boucaniers. On peut s’en servir pour éloigner l’ennemi des ouvrages de la place, & pour tirer sur ceux qui viennent les reconnoître. Comme on se sert de meche pour tirer le mousquet, il est d’un usage moins commode que le fusil ; mais on rendroit le mousquet biscayen plus utile en lui substituant une platine de fusil à la place de celle de mousquet, parce qu’avec un fusil un bon tireur qui manque rarement de tuer, peut choisir les officiers & les soldats les plus hardis. On ne doit point s’arrêter aux avantages de la meche : des batteries aussi fortes que l’exigent les mousquets ou fusils dont il s’agit ici, ratent très-rarement ; leurs pierres ne s’usent d’ailleurs que très-peu, & elles ne se cassent point. Voyez Mousquet & Fusil.