L’Encyclopédie/1re édition/MOERIS

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MOERIS, la, (Géog) lac d’Egypte à l’occident du Nil. Le roi Mœris le fit construire pour obvier aux irrégularités des inondations du Nil.

Hérodote, l. II. c. cxl. sur la bonne foi des gens du pays, lui donne 180 lieues de circuit. Diodore de Sicile, l. I. p. 47, répete la même chose, & cette erreur a été regardée comme un fait incontestable par M. Bossuet : cependant Pomponius Méla mieux informé, ne donne à ce lac que 20 mille pas de tour, qui font à-peu-près 10 ou 12 lieues communes. Meris, dit cet historien latin, aliquando campus, nunc lacus viginti millia passuum in circuitu patens ; & c’est aussi ce qui a été vérifié par des récentes observations de nos voyageurs modernes.

Deux pyramides, dont chacune portoit une statue colossale placée sur un trône, s’élevoient de 300 piés au milieu du lac, & occupoient, dit-on, sous les eaux un pareil espace. Elles prouvoient du-moins par-là, qu’on les avoit érigées avant que le creux eût été rempli & justifioient qu’un lac de cette étendue avoit été fait de main d’homme.

Ce lac communiquoit au Nil par le moyen d’un canal, qui avoit plus de 15 stades, ou 4 lieues de longueur, & 50 piés de largeur. Des vastes écluses ouvroient & le canal & le lac, ou les fermoient selon le besoin.

La pêche de ce lac valoit aux princes beaucoup d’argent ; mais sa principale utilité étoit pour réprimer les trop grands débordemens du Nil. Au contraire, quand l’inondation étoit trop basse, & menaçoit de stérilité, on tiroit de ce même lac par des coupures & des saignées, une quantité d’eau suffisante pour arroser les terres. C’est donc en considérant l’utilité de ce lac, qu’Hérodote a eu raison d’en parler avec admiration, de le préférer aux pyramides, au labyrinthe, & de le regarder comme le plus beau & le plus précieux de tous les ouvrages des rois d’Egypte.

Strabon remarque, que de son tems, sous Pétrone, gouverneur d’Egypte, lorsque le débordement du Nil montoit à 12 coudées, la fertilité étoit grande, & qu’à 8 coudées la famine ne se faisoit point sentir ; apparemment parce que les eaux du lac suppléoient au défaut de l’inondation par le moyen des couputes & des canaux. (D. J.)