L’Encyclopédie/1re édition/MODESTIE

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MODESTIE, s. f. Morale. modération de l’esprit, qui en estimant les autres, se respecte soi-même. Je crois encore que la modestie est la réflexion d’un cœur honnête, qui condamne son ambition & ses autres fautes, indépendamment de la censure d’autrui. Il me paroît de-là qu’un homme véritablement modeste, l’est aussi bien lorsqu’il se trouve seul qu’en compagnie, & qu’il rougit dans son cabinet, de même que lorsqu’une foule de gens ont les yeux attachés sur lui. Ce beau rouge de la nature, qui n’est point artificiel, est la vraie modestie ; c’est le meilleur cosmétique qui soit au monde.

La modestie est blessée dans la recherche outrée des honneurs, dans l’appréciation orgueilleuse de ses talens, & dans l’indécence de l’extérieur. Ces trois défauts ne sont pas tous exprimés par le mot immodestie, qui ne désigne que l’indécence des airs, des gestes, des postures & des habits. La vanité est le vice opposé au genre de modestie qui concerne la trop haute opinion qu’on a de les talens. Ceux que la nature a comblés de ses dons précieux, peuvent plaindre ceux à qui ils ont été refusés ; mais ils doivent sentir leur supériorité sans orgueil. L’ambition démésurée est le défaut opposé à ce genre de modestie, qui par une sorte de justice envers nous-mêmes, consiste dans la recherche des honneurs subordonnée au bien commun.

La modestie est une espece de vernis qui releve les talens naturels. Elle est à la vertu ce que le voile est à la beauté ; ou, pour me servir d’une autre similitude, elle est au mérite, ce que les ombres sont aux figures dans un tableau ; elle lui donne du relief. Quoique son avantage se borne au sujet qui la possede, en contribuant à sa perfection, il faut avouer qu’elle est pour les autres un objet digne de leurs applaudissemens. (D. J.)